L'interview de Thomas Griffoin, fondateur de DECOD et de The Full Room
Thomas Griffoin nous explique qu’il est à la tête des deux sociétés, DECOD et The Full Room, deux business très différents, mais complémentaires. DECOD est une société de création de visuels 3D pour les fabricants et distributeurs de décoration et d’ameublement. Ce sont tous les visuels qui permettent d’observer les produits sur les sites de ventes en ligne. The Full Room est une marketplace originale, au sein de laquelle des passionnés de déco exposent leurs intérieurs qui servent à la fois de showrooms pour les fabricants, et de boutiques en ligne pour les consommateurs. L’activité de DECOD fournit The Full Room en visuels 3D.
Sur ce marché très concurrentiel, nous comprenons que la maîtrise de l’image est un atout stratégique de taille. Atout dont s’empare Thomas Griffoin, pour devenir un partenaire majeur et indispensable de tous les acteurs du secteur.
Impression écran de la marketplace The Full Room
Le Lab : Pouvez-vous nous présenter votre activité et nous raconter comment est né The Full Room ?
TG : A l'origine, je suis décorateur d’intérieur, diplômé de l’école Boulle. J’ai travaillé dix ans dans la décoration très haut de gamme. En 2007, j’ai remarqué que de nouvelles initiatives voyaient le jour dans la décoration: Zara Home, H&M Home, etc. Mais il manquait l’œil du décorateur ! Il n’y avait pas assez de mises en situation, d’images… Le décorateur lui, parle avec des images, pas avec des mots. Je me suis donc dit que j’allais créer une marketplace de déco. Il y avait de la place pour une initiative digitale à l’époque. Mais mes actionnaires m’ont fait remarquer – à juste titre – que j’abordais deux choses : du e-commerce, et de la modélisation 3D (les visuels des objets pour les sites de ventes en ligne). C’était peut-être un petit peu ambitieux, il a donc fallu faire un choix. Nous avons commencé avec la modélisation d’images de produits de déco et ameublement en 3D. C’est ainsi qu’est née DECOD, société de service en ingénierie de l’image. Nous sommes allés à la rencontre des fournisseurs et nous avons découvert tout un marché.
« Le décorateur lui, parle avec des images, pas avec des mots. »
Le Lab : Puis, vous avez développé The Full Room…
TG : Tout à fait, The Full Room est avant tout une communauté de passionnés de déco (les « roomies ») qui transforment leurs intérieurs en boutiques en ligne. Dans ces showrooms, on retrouve un grand choix de produits mis en scène dans de véritables pièces de maisons et d’appartements. Les consommateurs finaux naviguent entre les pièces des roomies pour trouver de l’inspiration et « shopper » les objets qui leur plaisent. Nous sommes sur un modèle collaboratif, les roomies ayant partagé leur intérieur touchent une commission sur les ventes réalisées à partir de leur showroom. Cette mise en scène réaliste est fondamentale. Je pense que les gens en ont marre d’acheter des meubles dans des grands hangars en sortie de ville, sur un site mal fait et déshumanisé. Nous recherchons de la relation humaine dans la vente. C’est pourquoi nous avons mis en place cette dynamique communautaire.
« Je pense que les gens en ont marre d’acheter des meubles dans des grands hangars en sortie de ville, sur un site mal fait et déshumanisé. »
Le Lab : Comment faites-vous l’articulation entre vos deux activités ?
TG : D’un point de vue économique, notre modèle repose sur les deux activités à la fois. D’une part, il y a cet aspect marketplace et vente de produits (The Full Room). De l’autre, la vente d’images et services associés (DECOD) : de la relation client avec des passionnés de déco (des influenceurs, …), du service marketing, du prototypage, de l’étude de marché,… Nous avons un bon potentiel.
Le Lab : Qui sont vos principaux clients aujourd’hui ?
TG : Nous travaillons beaucoup avec les retailers anglais. Le Royaume-Uni est très en avance sur le e-commerce, ce sont les premiers en termes de ventes par habitant. Nous avons également signé avec le géant américain spécialiste de la déco en ligne Wayfair et du côté français, avec le groupe Adéo (Leroy Merlin).
Le lab: Comment envisagez-vous le futur de votre marché ?
TG : Les fabricants de meubles et de décoration ont déjà modélisé leurs images. Mais quand ils les fournissent aux retailers, il y a souvent des problèmes de conversion des fichiers. Puisque chacun utilise de logiciels différents, il y a un réel enjeu d’harmonisation. Pour un distributeur il y a plus de 20 fournisseurs, chacun utilisant un logiciel différent…
Cet enjeu, c’est précisément un des points de développement de notre activité DECOD. Nous souhaitons intervenir dans ces couches de traitement de la 3D.
Car de moins en moins, les fabricants et retailers vont avoir besoin de produire de la 3D. Bientôt les scanners vont le permettre facilement, les intelligences artificielles vont générer des mèches issues de scans exploitables,… En revanche, il faudra bien avoir une interface d’harmonisation pour faciliter le travail des distributeurs.
A long terme, je prévois l’abandon de la partie purement modélisation de DECOD pour aller vers plus de services : traiter la donnée et la rendre utilisable pour produire des images, grouper des produits, insérer des métadonnées, les mettre à la bonne échelle… Il y a une foultitude de micro actions pour lesquelles aujourd’hui il n’y a pas encore d’acteurs et nous avons toute la légitimité pour le faire.
Le Lab : Comment faites-vous pour attirer les fournisseurs sur votre plateforme BtoC The Full Room ?
TG : Nous nous positionnons comme un distributeur de nouvelle génération. Nous sommes une « pré-marketplace ». Par conséquent, un distributeur de décoration a tout intérêt à venir chez nous au départ parce qu’il ne va pas simplement acquérir un canal de vente (notre trafic est incomparable à celui d’un géant comme Cdiscount), il va surtout pouvoir exposer à travers un showroom « inspirant ».
Je dirais que nous avons deux principales sources de valeur ajoutée pour nos clients. La première, c’est l’attention portée à la marque. Certaines marques ne veulent pas aller sur les marketplaces classiques par crainte de dévaloriser l’image de leurs produits. C’est pourquoi nos mises en scène sont soignées et qualitatives. La deuxième, c’est l’acquisition d’images modélisées réutilisables sur d’autres marketplaces (via notre activité DECOD).
Le Lab : Quel type de fabricants souhaitez-vous mettre en valeur ?
TG : Notre objectif, c’est que tout le monde soit présent, les grands groupes, les PME, et même au-delà ! Vous êtes créatif, on vous ouvre nos portes. Par exemple, « Toiles de Mayenne », c’est typiquement une marque que tout le monde connait de nom. Ils ont une quarantaine de boutiques en France. Récemment, les dirigeants souhaitaient passer à la vente en ligne. La question qu’ils se sont posée était simple : Comment fait-on ? Il faut bien créer un site de ventes en ligne, mais derrière, il faut faire du lead, monter une équipe… Aller sur les marketplaces ? Il y a un risque de dégradation de l’image de marque…
Pour ces PME et TPE, nous représentons une réelle opportunité : qualité, belle présentation des produits, maîtrise du contenu,… Notre objectif, c’est de leur fournir une boutique en ligne clé en main.
Vous connaissez combien de marques de vêtements ?
Le Lab : Un grand nombre !
TG : Vous connaissez combien de marques de décoration ?
Le Lab : Hum…
TG : Nous connaissons les enseignes mais pas les marques. Beaucoup de gens font le parallèle entre la mode et la déco. Mais le retard des marques de décoration est immense ! Nous commençons seulement à les voir apparaître chez les petits, qui ouvrent des boutiques avec un véritable univers de marque. Et c’est exactement ce que les consommateurs veulent ! Mais comment y ont-ils accès ? Aujourd’hui, un distributeur joue le rôle d’intermédiaire entre le fabricant et le client final en effaçant de son paysage la marque du créateur. C’est là un des enjeux majeurs pour nous. Il y a un très fort potentiel d’existence de marque sur ce secteur, donc un vrai potentiel de marketing au premier sens du terme!
Ikea a montré la voie verticalement. Ils ont créé une marque grâce à l’image. Si je vous dis Ikea, la première chose à laquelle vous pensez c’est son catalogue ! C’est exactement ce que nous souhaitons faire mais en mettant en avant une multitude de marques.
« Aujourd’hui, un distributeur joue le rôle d’intermédiaire entre le fabricant et le client final en effaçant de son paysage la marque du créateur. »
Autre point qui me semble majeur : nous sommes en France ! A l’étranger nous avons une bonne image, associée à la qualité et au design. Ce qui nous permet d’appliquer des prix un peu au-dessus de certains autres.
Nous avons une grande crédibilité dans les industries créatives. Et pas seulement dans le cinéma… !
Pour visiter le site internet de The Full Room : c'est par ici !
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