Entretiens croisés : Laurent Raoul, Institut Français de la Mode et Maxime Coupez, Fabernovel Innovate
- Laurent RAOUL : Professeur Supply chain et systèmes d'information, à l'Institut Français de la Mode
- Maxime COUPEZ : Directeur de l'activité Stratégie chez FABERNOVEL INNOVATE
Le Lab : Comment les marques sont-elles impactées par le numérique ?
LR : Au moment où nous parlons, c'est l'explosion des ventes digitales qui s'impose aux marques de luxe, avec une part de marché mondiale en valeur dépassant les 7 à 8 %, et des taux de croissance pouvant dépasser les 60 % comme c'est le cas pour Kering au 1er trimestre 2017. En 2e lieu, c'est la multiplication des acteurs digitaux, du Pretail – avec Moda Operandi - au ReSale - avec Vestiaire Collective - qui leur donne l'occasion de reconsidérer leurs partenariats et leurs points de contact avec les marchés.
MC : Finalement, la révolution numérique est une invitation pour les marques à revenir à l'essentiel, qui est l'expérience client : comment, en utilisant cette nouvelle palette de création qu'est la technologie, puis-je embarquer mes clients dans mon univers, m'adapter à leurs modes de consommation respectifs et leur faire vivre des instants uniques ? C'est un sujet passionnant qui concerne les designers d'abord, avant les marketers et les communicants. »
Le Lab : Où en sont-elles dans ce virage numérique ?
LR : Les marques du luxe n'ont plus d'appréhension digitale. Je parlerais plutôt d'une « distance raisonnée » au consommateur, qui est une condition essentielle de l'exercice subtil du luxe. Prétendre que le consommateur est roi dans les marchés du luxe relève d'une forme de naïveté, et l'échec relatif du See Now Buy Now atteste que les choses sont plus compliquées. La phrase emblématique que je veux retenir est celle de Steve Jobs selon qui «ce n'est pas le rôle du consommateur de dire ce qu'il veut.»
MC : Absolument, et j'attends avec impatience le moment où les marques maîtriseront suffisamment le numérique pour réussir à créer, justement, ce que leurs clients n'attendent pas ! »