Philippe Bouquillion, Professeur de sciences de l’information-communication, traite de l’explosion du modèle économique des acteurs des industries culturelles due au numérique
“Le produit culturel est devenu une sorte de produit joint assez faiblement rémunéré.”
Philippe BOUQUILLION, Professeur de sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 13
Philippe Bouquillion : “Les acteurs des industries culturelles voyaient le numérique comme un trouble-fête dans une chaîne de valeur, dans des structurations de filières mises en place sur des décennies, contrôlées et fondées sur l’exploitation de la vente directe au consommateur, ou indirecte par l’annonce, de contenus ou d’abonnements. Donc là, il y avait un modèle qui était clos sur lui-même, et qui tout à coup, au début des années 2000, explose.
À partir de cette date, en effet, les acteurs des industries de la communication décident d’articuler des offres culturelles aux leurs, de créer des synergies entre les matériels, les télécommunications et la culture. Ils ont dans un même mouvement assujetti les acteurs des industries culturelles. En créant iTunes, Apple a non seulement pris le contrôle de la relation avec le client final, mais aussi défini les prix des biens culturels ainsi que les marges des fournisseurs de contenus. C’est un des premiers exemples frappants d’assujettissement.
Le modèle Google passe par un rapport de force encore plus rude (il n’y a pas d’accord avec les fournisseurs de contenus). On connaît les procès qu’il y a eu entre Google et les titres de presse que Google a systématiquement perdus. C’est dramatique pour les industries culturelles, mais en même temps, cela ouvre de nouvelles possibilités d’usages pour les consommateurs. Les contenus culturels sont mieux intégrés aux canaux de communication, aux réseaux sociaux, au téléphone.
Mais là où le bât blesse, c’est que cette intégration des biens culturels aux industries de communication ne s’est pas traduite par une augmentation des revenus de la création ou des sommes allouées à la production. Au contraire, dans le cinéma, la musique, la production télévisuelle…, les sommes allouées aux productions moyennes et les rémunérations artistiques ont tendance à diminuer. Le produit culturel est devenu une sorte de produit joint assez faiblement rémunéré.”
Philippe Bouquillion, Professeur de sciences de l’information-communication, Paris 13