Dans la série d’études de cas que nous avons réalisées, voici un autre exemple d’entreprise précurseur dans le secteur des services numériques.
DAVIDSON EN BREF
Comment une entreprise des services numériques (ESN) peut contribuer à la transition écologique et promouvoir une économie circulaire ? «Quand on n’a pas un produit à transformer, c’est difficile.», dit Bertrand Bailly, directeur général de Davidson. Et pourtant, l’entreprise Davidson a décroché le label écologique et social B-Corp en 2018 (renouvelé en 2021) et a rejoint en 2021 la Convention des Entreprises pour le Climat, un parcours qui a réuni plus de 150 dirigeants pendant 11 mois en 2021, afin de repenser sa stratégie et construire sa feuille de route de transition.
Davidson, qui compte désormais une force de frappe de 3400 collaborateurs, a démarré son tournant écologique après 12 ans d’activité, suite à une prise de conscience du dirigeant mais aussi des employés : « nous avons décidé de passer d’une phase égocentrique, centrée sur nous-mêmes, à une démarche éco-centrique, au sens du rayonnement positif dans un écosystème dépassant Davidson. Il était temps de s’intéresser au monde », dit Bertrand Bailly en paraphrasant le manifeste qui peut se lire sur le site web de Davidson à la page « B-Corp ».
Avec la labélisation sont nées plusieurs initiatives tant du côté des « éco-opportunités » (de nouvelles offres s’inspirant de la transition écologique) que des « opérations » (des actions réduisant l’impact de l’entreprise sur l’environnement), avec autant d’actions qui peuvent inspirer les dirigeants de PME et ETI.
Les "Eco-opportunités", l'innovation de l'offre
Offrir des solutions logicielles moins énergivores pour répondre aux besoins des clients : c’est la principale évolution de l’offre que Davidson a intégré, début 2022, dans ses propositions commerciales. Considérant que ce sera une attente de plus en plus marquée par les directions achats et les directions des systèmes d’information de ses clients, Davidson a décidé d’intégrer, à plusieurs niveaux des mesures permettant d’éco-concevoir ou visant à développer des approches numériques frugales.
Ces évolutions incluent notamment :
- La recherche d’architectures peu consommatrices de ressources dans le cadre des réponses aux appels d’offres.
- Des outils pour améliorer et mesurer la frugalité des développements.
- La mise en œuvre d’approches pour réduire le « gras fonctionnel » des applications et ne favorisant pas l’obsolescence des matériels.
- La sensibilisation des clients aux enjeux climatiques et aux actions prioritaires dans le secteur du numérique.
Pour plus de détails sur ces actions, retrouvez notre focus dédié.
Selon le DG de Davidson, en effet, lorsqu’on veut réduire l’impact de son outil numérique (du hardware à l’usage) il y a des actions plus prioritaires que d’autres : « le choix d’un logiciel a des conséquences plus importantes à la fois sur l’usage et sur les hardwares nécessaires ».
Davidson va même plus loin en refusant des missions dans des technologies trop énergivores ou poussant à l’ultra consommation, comme le metaverse.
Pourquoi avoir choisi davidson ?
- Les Entreprises des Services Numériques (ESN) jouent un rôle clé dans le choix de systèmes d’information respectueux de l’environnement : les ESN développent et intègrent les outils numériques (applications, interfaces...) pour le compte de leurs clients. Certains cabinets proposent aussi des services de cloud. Vue la croissance exponentielle des consommations énergétiques liées au secteur du numérique, les ESN revêtent un rôle central de conseil avisé (voir l’encadré sur les enjeux du secteur).
- Davidson a intégré l’impact écologique dans ses services, en incitant ses clients à opter pour des logiciels « légers » avec des fonctionnalités essentielles.
- Dans sa feuille de route de décarbonation, la société s’est attaquée à l’évaluation de ses missions/clients, afin de réorienter son portefeuille de projets et clients vers des activités à externalités sociales et écologiques positives, plus que négatives.
Les enjeux du secteur du numérique
- 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) en 2020 et 6% estimé pour 2025.
- 25% des GES proviennent des data center.
- Croissance exponentielle de l’utilisation des services cloud et des espaces utilisés par les datacenters.
Source : ADEME, European Commission
Les spécificités des entreprises des services numériques
- Peu de capex et de flux matières à optimiser.
- Démarche d’économie circulaire non applicable.
- Enjeux de sensibilisation des collaborateurs et des clients à l’obésité logicielle et l’allongement de vie des appareils (qui représentent l’impact écologique principal de la chaîne de valeur du numérique).
Les actions inspirantes côté opérations
La prise de conscience des équipes a aussi généré des actions au sein de l’entreprise. Au-delà des démarches les plus communes (tri des déchets, efficacité énergétique des bâtiments, remplacement de la flotte de véhicules), Davidson a voulu déployer un processus complet d’évaluation de son bilan carbone. C’est avec le soutien de l’ADEME et la méthodologie ACT (Assessing Low Carbon Transition) que Davidson a décidé d’agir en ce sens. La méthodologie permet d’établir une stratégie détaillée afin de mesurer les processus et de fixer des objectifs de réduction.
C’est d’ailleurs dans la continuité de cette démarche que se situe l’action la plus ambitieuse de Davidson : celle de réduire l’empreinte carbone de son portefeuille clients et la volonté d’en augmenter l’impact positif, social ou environnemental. A travers une évaluation de l’impact de chaque projet et client en faveur des Objectifs de Développement Durable de l’ONU, Davidson table sur une augmentation de 5% de l’impact positif global de son portefeuille (voir le focus dédié à la méthodologie appliquée). Concrètement, cela se traduit par la recherche de projets et clients plus « vertueux », comme des associations non gouvernementales ou des projets à caractère social ou environnemental.
Enfin, c’est aussi à travers la participation à des actions de recherche et développement que les collaborateurs peuvent contribuer activement aux initiatives de réduction de l’impact du secteur et de Davidson.
Focus - L’outil d’évaluation du portefeuille clients et des missions
- L’outil vise l’évaluation du portefeuille clients sur la base des Objectifs du Développement Durable.
- L’élaboration d’une note pour chaque projet et client permet d’établir l’équilibre du portefeuille en lien avec les ODD.
- L’évaluation croise en effet deux variables :
- la contribution éventuelle de l’activité du client à un ou plusieurs des 17 Objectifs du Développement Durable.
- Le degré d’impact de la typologie de projet : le projet peut apporter une amélioration dans l’atteinte des ODD ou rien du tout.
- Le degré de contribution aux ODD et le niveau d’impact peuvent donc aller de « aucun », niveau 0, à « inspirant », niveau 3. Une note allant de 0 à 3 est attribuée à chaque client et à chaque projet.
- A titre d’exemple (voir image explicative ci-dessous) : un développeur de centrales éoliennes, s’inscrivant dans l’ODD 7, a un niveau 3 de contribution aux ODD car il développe des énergies propres. Le client obtient donc la note de 3. Or, le type de projet pour ce client obtient une note aussi. Si le projet n’a pas d’impact sur l’activité du client (le développement d’éoliennes) alors sa note sera égale à 0. La note globale du client plus le projet est donc de 3 (3+0=3).
- Avec la note globale de chaque couple, Davidson évalue son résultat global et fixe un objectif de croissance à 5% par an, afin d’augmenter les projets à impact positif dans son portefeuille.
Les leviers utilisés par Davidson
Davidson, grâce à l’impulsion de son dirigeant et des collaborateurs, a d’abord revu sa stratégie et ses objectifs. Cela a emmené à une réévaluation de son portefeuille client.
Au niveau financier, Davidson s’est principalement appuyé sur ses propres moyens pour développer les outils et les démarches internes. Seule la démarche ACT a été partiellement subventionnée par l’ADEME.
En revanche, le DG considère que toutes ces actions lui permettront d’avoir des retours à plus long terme et de profiter d’une position de premier arrivé dans le secteur. « Dans le secteur de la tech on attend souvent que quelqu’un d’autre fasse le premier pas, pour ensuite reprendre l’idée et l’améliorer. Pour les questions de transition écologique, nous avons décidé d’être parmi les premiers, car on ne peut pas attendre. »
Voici un résumé des principales actions par type de levier (ces leviers ont été décrits dans notre étude « Agir face aux enjeux climatiques »).
Vision & Gouvernance
- Elaboration d’une feuille de route à 2030 incluant des actions d’économie régénérative et visant l’augmentation de la « vertu » du portefeuille client
- Les principaux indicateurs de suivi de la feuille de route sont :
- émissions de GES/collaborateur/an;
- nombre d’heures de bénévolat et mécénat/collaborateur/an;
- % CA réalisé par l’offre d’accompagnement décarbonation;
- nombre de points d’engagement ODD du portefeuille de projets clients (avec un objectif d’augmentation de 5% par an).
- Création d’un « Comité impact » se réunissant tous les 3 mois conduit par le Climate impact Manager, le Social and Societal Manager et le DG, ouvert à tous les collaborateurs : dans ce comité sont traitées les questions posées par les collaborateurs et les réponses, d’abord élaborées par le comité restreint, sont ensuite partagées en plénière.
- Déploiement de la méthode ACT (Assessing low Carbon Transition ®) et évaluation de l’impact carbone de chaque projet :
- Elaboration d’une nouvelle stratégie et d’objectifs chiffrés.
- Mesure de l’empreinte carbone de chaque mission et de chaque collaborateur.
Ressources Humaines et Conduite du Changement
- Renforcement des formations aux actions prioritaires pour diminuer l’impact du secteur du numérique sur le réchauffement climatique :
- The Little Big Map : sensibilisation des collaborateurs et partenaires aux actions prioritaires de diminution de l’impact (« les 15 décisions clés » ).
- Appel à un cabinet de consulting spécialisé dans l’évaluation du bilan carbone des clients, des processus et des activités internes.
- Recrutement d’un Climate impact Manager (2022)
Ressources Financières
- Utilisation de la trésorerie disponible sans endettement ou levée de fonds : la trésorerie est utilisée pour la rémunération du temps du dirigeant et des collaborateurs dédiés à l’élaboration des analyses d’impact, des sites web open source, des outils de formation.
- Soutien de l’ADEME pour le projet ACT Pas à Pas : 50% du coût de 30 000 euros est pris en charge par l’ADEME pour les ETI et Grands Groupes.
- Partenariat avec Wenabi pour la plateforme d’engagement collaborateurs (3 jours / an « offerts » pour des actions de bénévolat et solidarité.
- Contribution carbone pour les émissions entre 2005 et 2022 (90 000 TeqCO2e) :
- 4/1000 du Chiffre d’Affaire annuel consacré à la contribution carbone, pour un rattrapage progressif pour les scopes 1,2 & 3.
- Partenariat avec l’ONG Planète Urgence pour la compensation carbone : ce partenariat permet à Davidson d’agir sur les puits de carbone en plantant des arbres. Davidson a choisi Planète Urgence car les projets de cette association ne donnent pas accès à des crédits carbone (autrement dit, des « crédits pour polluer »).
Innovation et Recherche&Développement
- Développement d’outils d’eco-coding en open source : les collaborateurs ont la possibilité de participer à des projets de développement de sites web de partage de connaissances ou de logiciels peuvant améliorer la sobriété.
- Programme de recherche DISTILLER (recommanDr servIce for SusTaInabLe cLoud nativE softwaRe) : un projet lancé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), et exécuté dans un consortium avec l’Inria, OVHcloud, Orange pour réduire l’impact environnemental des data centers et des logiciels cloud.
- Participation au projet GreenIT pour le développement de logiciels qui aident à réduire l’impact énergétique du coding.
POUR ALLER PLUS LOIN
Si vous voulez découvrir les détails des « éco-opportunités », retrouvez-les dans l’article dédié.
Aussi, le témoignage de Bertrand Bailly aborde les « questions qui fâchent », à savoir comment réussir le financement des actions de transition quand on est une petite PME.
Une étude de cas de Laura Parmigiani