L'approche régénérative propose aux entreprises d'établir un nouveau rapport à la société et à la nature. Le régénératif permettrait de mieux répondre aux enjeux environnementaux, toujours plus complexes et nombreux.
La démarche régénérative consiste à créer de la valeur, avec toutes les parties prenantes de l'entreprise, dans les limites planétaires et à développer une nouvelle relation de coévolution avec le vivant. Le régénératif ne se fait pas seul mais au sein d’un écosystème d’acteurs sur un territoire.
Pour explorer ce concept, Bpifrance Le Lab soutient et présente un livre blanc rédigé par Valérie Brunel, PhD, praticienne-chercheuse et Sarah Dubreil, entrepreneure et investisseure dans le secteur de l'environnement.
Les rédactrices du livre blanc
- Valérie Brunel, PhD, praticienne-chercheuse, aide depuis 25 ans les organisations à relever des défis humains, sociaux et écologiques complexes, et forme des praticiens du développement systémique. Sociologue clinicienne, elle est chercheuse associée au LCSP de l’Université Paris 7. Elle a co-élaboré le parcours vers l’économie régénérative de la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC).
- Sarah Dubreil, entrepreneure dans le secteur de l’environnement depuis 14 ans, ex co-fondatrice d’origins.earth et ex-SUEZ, elle explore l’intersection entre entrepreneuriat & économie régénérative. Elle donne des cours à HEC et l’Ecole des Ponts Paritech, et travaille pour le Club de Rome sur les approches régénératives et systémiques. hello@circl.earth
L'économie régénérative : réinventer l'entreprise pour un avenir durable.
L’activité humaine a mené au dépassement de 6 des 9 limites planétaires, sans même répondre aux besoins essentiels du plus grand nombre. La priorité donnée à la diminution des émissions de gaz à effet de serre cache un enjeu plus grave, l’effondrement du vivant, qui menace le maintien des conditions d'habitabilité de la terre.
Seuls les systèmes vivants (communautés humaines, écosystèmes animaux, végétaux, …) ont la capacité de se régénérer, afin de revenir dans les limites planétaires.
Source : Doughnut Economics: Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist (Raworth 2012)
Réduire son impact négatif n’est pas suffisant, voire peut être contre-productif s’il n’intègre pas la biodiversité.
Face à un monde de plus en plus volatile, l’approche régénérative propose d’orienter son organisation vers la création d’un monde souhaitable, compatible avec les limites planétaires, et non vers l’adaptation graduelle à un avenir dégradé.
Cela signifie pour l’entreprise d’élargir son ambition à l’écosystème auquel elle est connectée - territoire, communauté, secteur - et d'orienter son organisation vers un renforcement des capacités de régénération des systèmes vivants.
À qui s'adresse l'économie régénérative : experts, académiques et pionniers ?
A un public d’experts, académiques et praticiens s’attachant à explorer ses fondements théoriques et pratiques, et son intersection avec d’autres approches (économie circulaire, biomimétisme, permaculture, restauration, …).
A des dirigeants pionniers ayant pris conscience de l’ampleur de l’enjeu des limites planétaires et s’interrogeant sur les pistes pour la suite (se focaliser sur les chapitres 6, 8, 9 et 10 centrés sur l’entreprise)
Pourquoi explorer l'économie régénérative ?
Cette étude est une première revue du champ émergent de la régénération et de ses applications au monde de l’entreprise. Elle s’adresse à un public averti.
Comprendre l'approche régénérative : créer un monde en harmonie ?
Dans l'approche régénérative, le monde est vu d’abord comme un ensemble de systèmes vivants (sociaux, écologiques …) imbriqués les uns dans les autres et co-évoluant ensemble : ce sont les “socio-éco-systèmes”.
L’approche régénérative consiste à s’appuyer sur la dynamique de ces systèmes vivants, et donc à augmenter leur vitalité et leur santé. Elle est systémique, ou « holistique ». Elle ne cherche pas à agir directement sur les systèmes vivants, mais à mettre en place des conditions et un contexte qui vont leur permettre d’activer leurs capacités de développement.
L’approche régénérative est spécifique à un lieu, à des personnes, à des milieux, elle ne peut être déployée à l’identique ailleurs.
On parlera de démarche régénérative plutôt que d’entreprise régénérative. En effet, on n’est pas régénératif seul, mais au sein d’un écosystème d’acteurs sur un territoire.
Une démarche régénérative repose sur une approche systémique de création de valeur, dans les limites planétaires, de l’entreprise avec toutes ses parties prenantes et le développement d’une nouvelle relation de coévolution avec celles-ci :
Des initiatives régénératives existent dans le secteur privé, particulièrement dans les secteurs directement liés aux systèmes vivants, ou pouvant l’être : agriculture, santé, bâtiment, solutions fondées sur la nature, animation de communautés.
Le modèle régénératif le plus connu est la permaculture, issue du secteur agricole.
Des sociétés privées pionnières mettent en place à divers degrés et à divers niveaux des approches régénératives. Parmi eux, le Réseaux d‘entreprises agricoles Paysans de Nature et Fermes paysannes et sauvages, l’entreprise Expanscience, l’organisation d'aides à domicile Alenvi, sont décrites dans cette étude.
Adopter l'approche régénérative : la transformation de l'entreprise ?
La société et les écosystèmes ne sont pas des « externalités » pour le monde du business, mais ses socles et ses conditions d’existence.
L’ambition d’une entreprise engagée dans une démarche régénérative est sociétale et sa raison d’être sert la santé commune des hommes, des sociétés et des milieux. Ceci implique un alignement des objectifs et incitations économiques sur cette visée de santé commune.
Requestionner la raison d’être permet d’explorer la question à laquelle l’entreprise répond de façon plus profonde, de la contextualiser dans des territoires et communautés, avec leur histoire singulière.
Viser un objectif prioritaire de santé plutôt que de croissance économique implique une posture et une méthode différente, qui consiste à :
- avoir un état d’esprit d’apprenant qui itère, et non de sachant qui déploie ;
- travailler de façon collective avec une posture de "pouvoir avec", et non de "pouvoir sur";
- partir d’un potentiel que l’on renforce, et non d’un problème que l’on résout.
Sur cette base, l’organisation va :
- mettre en cohérence ses modes de leadership et son cadre d’incitations (gouvernance, financement, …) avec sa raison d’être;
- favoriser des activités permettant d’hybrider écosystèmes naturels, communautés et projet d’entreprise, comme l’approche permaculturelle;
- accompagner l’émergence de nouvelles règles, normes et institutions alignées sur cette vision du monde en fédérant par exemple un collectif territorial ou sectoriel (écosystème).
Dans le cas où les activités régénératives ne seraient pas viables économiquement à court terme, il s’agit d’influencer son écosystème et ses institutions pour faire émerger des règles du jeu propices à la régénération, en maintenant à court terme des activités non régénératives qui lui permettent de vivre.
Conclusion : l'approche régénérative, une voie à suivre pour les dirigeants engagés
L’approche régénérative peut ressembler à utopie, mais elle semble aussi être le seul horizon viable pour revenir vers les grands équilibres planétaires qui ont permis le développement des civilisations humaines.
« Toute idée pertinente sur l’avenir doit au départ sembler absurde », dit Rob Hopkins.
En tant que dirigeant, adopter des approches régénératives permet de consolider son activité pour rester pertinent et devenir résilient face aux crises écologiques et sociales à venir, c’est-à-dire être « futur-fit ».
L’application de la régénération au secteur privé est à un stade d’expérimentation, cependant l’ampleur et l’imminence de la catastrophe écologique imposent une transition immédiate, via des dispositifs d’expérimentation et d’apprentissage.