Les enjeux écologiques appellent les chefs d'entreprise à transformer leurs activités. Selon notre étude sur le changement climatique et les PME et ETI, 67 % des dirigeants sont attentifs aux enjeux environnementaux de leur entreprise. Le passage à l'action reste cependant concentré sur des petits gestes.
Adopter une approche régénérative permet d'agir en prenant en compte la complexité du sujet. Bpifrance Le Lab décrypte, en partenariat avec la Convention des entreprises pour le Climat et Lumia, un centre de recherche-action sur l'économie régénérative.
Quelles sont les différences entre une démarche régénérative et une politique RSE ?
- La démarche RSE (documentée par la norme ISO 26000 de 2010) cherche principalement à réduire des impacts négatifs de l’activité d’une entreprise sur l’environnement et la société, en montrant les interdépendances entre ces sphères ; la RSE n’encourage que partiellement des actions positives sur la société et l’environnement.
- La démarche régénérative place l’entreprise au sein de l’environnement duquel elle dépend, en le priorisant. Elle vise l'impact positif « net » sur celui-ci et la société en allant au delà de la neutralité carbone.
- L'ambition régénérative cherche à réparer les services écosystémiques qui soutiennent les conditions de vie sur Terre (cycle de l'eau, biodiversité, régulation du climat..) et à renouveler les ressources naturelles1.
- La régénération stimule la refonte et l’innovation du modèle économique ainsi que la manière d’apporter et partager la valeur, car produire en régénérant pose un nouveau défi : comment produire et régénérer, en même temps, les ressources naturelles mobilisées ?
Pourquoi privilégier une approche régénérative ?
- Parce que les activités économiques sont encastrées dans le socle écologique et dans le socle social dont elles dépendent. Si le socle écologique, qui est la base, se fragilise, tout se fragilise (société et économie).
- Parce que 50 % du PIB mondial dépend de la biodiversité.2 La perte de la biodiversité a été classée comme la troisième menace la plus grave à laquelle l’humanité sera confrontée au cours des 10 prochaines années.3
- Cette nouvelle approche a pour objectif de mener les entreprises sur un nouveau chemin, pour anticiper les défis environnementaux, réinventer les modèles de business, créer de la valeur différemment et pérenniser les activités.
5 PRINCIPES POUR ADOPTER UNE APPROCHE régénérative EN ENTREPRISE
Pour adopter une approche régénérative en entreprises, cinq principes permettent de guider l'action. Ce cadre d’analyse en cinq principe, chacun décliné en actions, a été élaboré avec la Convention des Entreprises pour le Climat et Lumia, un centre de recherche-action sur l’économie régénérative.
Voir beaucoup plus loin que le climat
et intégrer la complexité
#1 — Adopter une vision systèmique
Comprendre les enjeux environnementaux et leur interdépendance (notamment la biodiversité, le climat, l’eau, le cycle de l’azote et du phosphore, la pollution qui représentent les limites planétaires définies par Johan Rockström du Stockhlom Resilience Center). Avoir une vision holistique.
#2 — Créer de la valeur positive nette pour les parties prenantes, les écosystèmes naturels et la société
Chercher à avoir un impact fort au service de la société et de l'environnement, au-delà du client final et des actionnaires.
#3 — Être capable de se limiter, de renoncer
Abandonner des activités ou produits éco-incompatibles. Sortir de la logique « du toujours plus » de biens et services incompatible avec des ressources finies et une trajectoire bas carbone.
Se reconnecter au vivant
tout au long de la chaîne de valeur
#4 — Renforcer les services écosystémiques de soutien et de régulation
Avoir un impact positif sur les écosystèmes naturels, sur la biodiversité via la renaturation du foncier, ou via des process de production naturels (ex. phytoépuration), ou les solutions fondées sur la nature, ou via un approvisionnement avec des pratiques de permaculture ou agroforesterie, par exemple.
#5 — Chercher un équilibre entre performance et robustesse
Chercher des solutions plus modulaires, redondantes, si besoin, pour gagner en résilience et robustesse, sortir des modèles de rendement qui ont un impact négatif sur la nature (chaînes de valeur dispersées, par exemple).
#6 — Utiliser des molécules bio-assimilables
Utiliser des matériaux biosourcés, biodégradables, compostables, avec zéro polluants et toxicité pour l'eau, les sols, l'air, le vivant, et directement assimilables par les cycles biologiques.
Transformer en profondeur
son modèle économique
#7 — Réduire de manière drastique l’utilisation de matières premières et de l’énergie
Rechercher la sobriété dans les processus de production en s'orientant vers des modèles serviciels centrés sur l'usage ou la performance (et non la propriété), ou sur des modèles collaboratifs autour de l'usage, à la commande sans stock…
#8 — Être circulaire par design
Fermer les boucles de production et faire des déchets une ressource, utiliser la logistique inversée (gestion des retours client).
#9 — Être ancré dans le local
Favoriser les circuits courts et les chaînes logistiques courtes, ou les filières locales.
Développer des gammes de produits ou services
compatibles avec le vivant
#10 — Être sobre et multifonctionnel
Rechercher des solutions sobres en énergie et matières premières via l'éco-conception et le design, la low-tech, le développement de la modularité, la réparabilité, le réemploi et le multi-fonction, la mutualisation des usages, l’allongement des durées de vie, le biomimétisme...
#11 Créer des relations réciproques et co-évolutives basées sur la coopération
Créer des offres où le consommateur / l'usager est partie prenante et co-construit la demande avec l’entreprise ; fidéliser et personnaliser les offres ; créer des lien et l’alignement des intérêts ; coopérer dans les chaînes de valeur pour innover au sein des filières.
Placer l'humain
au cœur des transformations
#12 — Partager la valeur monétaire avec ses parties prenantes et pour l’intérêt général
Proposer des modèles d’actionnariat salarié dans la gouvernance ;
Partager la valeur monétaire tout au long de la chaîne de valeur (exemple de la marque « C'est qui le patron »);
Créer des fonds de dotation ou des fondations d'actionnaires ;
Investir dans des opérations de renaturation sur son territoire ;
Créer des modèles coopératifs
#13 — Créer des relations vivifiantes
Adopter des modes d'organisation transversale, ou de gouvernance partagée ; favoriser l’expression du potentiel de chacun, l’inclusion, la diversité et la cohésion des parties prenantes.
S'inspirer des cas d'entreprises engagées vers un modèle régénératif
Bpifrance Le Lab aide les entreprises à passer à l'action, en décryptant des cas d’entreprises qui avancent vers un modèle régénératif.
Approfondir avec monde de la recherche
Pour aller plus loin, nous vous proposons le livre blanc "Entreprises et systèmes vivants : appréhender les approches régénératives".
NOTES et références
1 — www.ofb.gouv.fr/pourquoi-parler-de-biodiversite/la-biodiversite-cest-toute-la-vie
2 — Forum Economique Mondial (Forum de Davos), "Half of World’s GDP Moderately or Highly Dependent on Nature, Says New Report", 19 Janvier 2020
Forum Economique Mondial, "50% of the global economy is under threat from biodiversity loss", 7 février 2023
3 — Forum Economique Mondial, The Global Risks Report 2022 17th Edition, 2022