Le profil des entreprises des femmes entrepreneures dans les quartiers QPV
Après avoir décrit le profil des femmes créatrices d'entreprises dans les quartiers, nous nous intéressons dans ce deuxième article au profil de leurs entreprises.
Les entrepreneures font montre d’une forte expertise sur leur marché avec une ambition qui croît à mesure que le projet se pérennise. Dans les quartiers, les femmes entreprennent plus spécifiquement dans le commerce, la restauration et l'hébergement, ainsi que dans les services aux entreprises et à la personne (santé et social), avec une clientèle ancrée localement. Si elles débutent plus souvent par des projets de moindre envergure, leur chiffre d'affaires augmente par la suite plus fréquemment que leurs pairs masculins. Leurs entreprises sont tout aussi pérennes que celles des hommes, et davantage encore que celles des femmes qui entreprennent en dehors des quartiers.
Retrouvez aussi :
|
|
Dans quels secteurs retrouve-t-on le plus de créatrices d'entreprise en QPV ?
Les femmes entrepreneures des quartiers sont principalement présentes dans les secteurs des services (34%), et du « commerce, transports, hébergement et restauration » (37%). Au sein de ce macro secteur, la proportion dans les transports doit être infime puisque seul 0,9% des femmes indépendantes et dirigeantes salariées en France entreprennent dans ce secteur selon l'Insee.
Le secteur des services inclut les services aux entreprises comme les activités juridiques et comptables, ou les activités scientifiques et techniques. Celles-ci nécessitent un certain degré de qualification, ce qui explique que les femmes entrepreneures des quartiers y soient plus représentées que les hommes (34% vs 24%). En effet, comme nous l’expliquions dans le premier article de cette série, elles sont plus diplômées qu'eux (cf article 1).
Par ailleurs, comparativement aux hommes, les femmes qui entreprennent dans les quartiers sont beaucoup plus présentes dans le secteur « administration publique, enseignement, santé et social » (15% vs. 4%) et beaucoup moins dans le secteur de la construction (6% vs. 24%). Au sein de ce macro secteur, le secteur social inclut ici les activités d'aide à domicile tandis que celui de la santé comporte les cabinets d'infirmiers libéraux. Là aussi, le lien avec le type de qualification est important : les femmes entrepreneures des quartiers sont plus nombreuses à suivre des études post Bac qui sont des voies d'accès privilégiées pour l'enseignement et l'administration publique. Elles sont aussi plus nombreuses à avoir obtenu des diplômes débouchant sur des professions sociales ou de santé (cf article 1).
Des femmes entrepreneures de QPV plus présentes dans les secteurs tertiaires que les hommes
Le secteur d'activité de l'entreprise créée (ou reprise) par une femme dans les quartiers, est ainsi très influencé par le genre – observation valable partout en France. Selon l'Insee, les femmes indépendantes et dirigeantes salariées d'entreprise sont plus présentes que leurs pairs masculins dans les secteurs de la santé (25,4% vs 10,6%) et des services aux particuliers (28,6% vs 15,7%). C'est l'inverse dans le secteur de la construction (1,8% de femmes dirigeantes vs 21,2% d'hommes).
Des secteurs qui se reflètent sur les choix de statuts d’entrepreneur
Si elles sont toutes entrepreneures, les entrepreneures des quartiers ne revendiquent pas forcément le statut de cheffe d’entreprise. C’est le cas pour un quart d’entre elles seulement contre 30% chez les hommes. Confirmant leur plus forte présence dans les secteurs de la santé et du social, les créatrices d'entreprise dans les quartiers se revendiquent bien plus souvent comme exerçant une profession libérale (19% vs. 7%). Les hommes se définissent quant à eux plus souvent comme artisans (18% vs. 12%) en lien avec leur présence forte dans la construction. En ce qui concerne la revendication du statut de commerçant, hommes et femmes sont présents en proportion similaire (environ 15%).
Des femmes entrepreneures de QPV plus souvent en profession libérale par rapport à leurs pairs masculins
Une clientèle locale importante pour les femmes entrepreneures dans les Quartiers Politique de la Ville (QPV)
Le plafond de verre pour les débouchés commerciaux, évoqué dans l’étude Entreprendre dans les quartiers : libérer tous les potentiels, se révèle encore plus prononcé pour les femmes. En effet, durant l'année de la création de leur entreprise, les entrepreneures des quartiers ont une clientèle constituée aux trois quarts d'une clientèle locale (74%). C'est 13 points de plus que les hommes (61%), dont l'activité rayonne plus au niveau régional (18% vs. 8%).
Au bout de trois ans, cette tendance se confirme. Ceci peut en partie s'expliquer par la difficulté d'accès aux réseaux entrepreneuriaux. C'est un frein supplémentaire au développement des entreprises des quartiers, pour l'accès aux marchés situés en dehors de ces territoires.
Par ailleurs, les entrepreneurs des quartiers sont des spécialistes de leur marché local. Pour les commerces alimentaires, cela peut par exemple se traduire par la sélection de produits répondant aux besoins spécifiques de la clientèle locale. Cela assure dans un premier temps la performance et la pérennité de ces entreprises, mais freine potentiellement leur développement ultérieur.
Une clientèle locale beaucoup plus présente chez les femmes entrepreneures de QPV par rapport aux hommes
Si l’on s’intéresse au type de portefeuille clients, on remarque un phénomène assez cohérent avec le fait que les activités principales de ces entrepreneures sont dans le commerce, la restauration, la santé ou le social. En effet, ces entreprises ont majoritairement une clientèle nombreuse et variée sans forcément avoir de gros clients (59% vs 41% chez les hommes).
Les femmes entrepreneures des quartiers ont une clientèle plus nombreuse et variée que les hommes
Des débuts plus prudents, mais une bonne dynamique d’investissement et une forte pérennité à trois ans
Les femmes entrepreneures des quartiers connaissent une dynamique élevée de développement de leur entreprise au cours des trois premières années de création, en partant de projets plus petits.
Les projets portés par les créatrices d'entreprises dans les quartiers sont surreprésentés parmi ceux dont le montant de départ est faible (moins de 2 000€) en comparaison avec leurs homologues masculins (32% vs. 26%). Sur les autres tailles de projets, les différences entre hommes et femmes des quartiers sont minimes, hormis pour les projets compris entre 2 000 et 6 000€ (13% vs. 21% pour les hommes).
Des investissements de départ souvent plus faibles chez les femmes entrepreneures de QPV par rapport à leurs homologues masculins
Ces différences de départ se lissent avec le temps. Au cours des trois premières années d'existence, les entreprises créées par les entrepreneures des quartiers engagent des investissements assez similaires à leurs pairs masculins. Les investissements compris entre 3 000€ et 7 500€ sont même surreprésentés parmi les femmes entrepreneures (22% vs 16%).
Des investissements équivalents entre les hommes et les femmes en QPV durant les trois années qui suivent la création de l’entreprise
Surtout, les femmes entrepreneures des quartiers connaissent une évolution de leur chiffre d'affaires plus positive que celle des hommes durant leurs trois premières années. Elles sont en effet plus nombreuses à avoir connu un accroissement de leur activité (53% vs 49%). C'est un constat que l'on retrouve dans une autre enquête réalisée auprès de dirigeants situés en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne.
Une évolution du chiffre d’affaires plus significative chez les femmes entrepreneures de QPV comparativement aux hommes
Cet élan positif pour les entrepreneures des quartiers se retrouve enfin sur la pérennité des entreprises qu’elles dirigent. On constate que le taux de pérennité à trois ans est aussi élevé que celui des hommes (77%). Il est par ailleurs significativement plus élevé que celui des entreprises fondées par des femmes en dehors des quartiers (77% vs 72%). C'est une nouvelle preuve d'une forte expertise de leur marché.
Une pérennité plus forte pour les entreprises fondées par les femmes entrepreneures des quartiers que celles des femmes hors QPV
Au-delà des spécificités sectorielles qui ressortent, une dynamique semble donc se dessiner pour les projets portés par les femmes entrepreneures des quartiers. La prudence s’impose au départ avant qu’une belle courbe de croissance prenne forme et se matérialise par des investissements et une forte pérennité à trois ans.
Comment a été réalisée l'étude "Entreprendre dans les quartiers : libérer tous les potentiels" ?
Cette étude sur l’entrepreneuriat dans les quartiers fait suite à une première publication de Bpifrance Le Lab et Terra Nova datant de 2016. Elle reposait sur une méthodologie combinant une analyse quantitative des entreprises présentes dans les zones urbaines sensibles (ZUS) et un sondage réalisé par Opinion Way auprès de 500 entrepreneurs des ZUS. À la différence de l’étude de 2016, notre nouvelle étude se concentre sur la phase particulière de création d’entreprises des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cette phase dure entre 0 et 5 ans.
Les premières années étant souvent les plus difficiles à passer pour une entreprise, elles sont décisives pour sa pérennité et sa longévité. La première étude de 2016 ne portait pas sur une phase particulière du cycle de vie d’une entreprise contrairement à celle-ci. Ainsi, notre nouvelle approche utilise les données SINE INSEE, spécifiques à la création d’entreprise et dont nous avons exclu cette fois les filiales de grands groupes. De plus, nous avons mené un nouveau sondage avec TMO Régions auprès de 700 entrepreneurs dont 50 % sont situés en QPV. Nous en tirons des enseignements nouveaux et complémentaires à notre précédente étude.
Ce changement de méthodologie explique des résultats qui pourraient sembler contradictoires entre nos deux études. Nous invitons donc le lecteur à la prudence s’il souhaitait les rapprocher ou les comparer.
Vous souhaitez en savoir plus ? Retrouverez la suite de notre focus sur les femmes entrepreneures des quartiers dans notre troisième article juste en dessous. Vous pouvez également télécharger l'étude complète à tout moment !
Pour une version anglaise de cet article, c'est juste ici :
Un article d'Aurélien Lemaire, responsable d'études Bpifrance Le Lab