Les pratiques managériales : le renouveau managérial, des critiques de longue date… aux expérimentations inédites !
Nous vous proposons de balayer l'histoire du renouveau managérial en quelques points clés.
Point 1 : les pratiques de management au XXIème siècle, une nécessaire transformation ?
Selon notre étude sur la "Gouvernance des PME-ETI" (décembre 2019) 74% des dirigeants de PME-ETI estiment qu'il est important de repenser leurs pratiques managériales dans les années à venir, pour améliorer la performance de leur entreprise.
Près de trois chefs d'entreprise sur quatre considèrent donc que le management doit évoluer pour assurer les succès de demain, du fait de transformations digitales et environnementales et de deux tendances qui poussent à réinterroger le fonctionnement des équipes : l’exigence croissante de clients toujours plus pointilleux et impatients, et les revendications des collaborateurs qui désirent évoluer dans un cadre stimulant et respectueux de leur bien-être.
Quelles réponses apporter au désengagement et au mal-être des salariés ? D’après l’étude de l’Institut Gallup publiée en 2018, 6 % des salariés français affirment être engagés au travail ; 20 % estiment être activement désengagés. Conscients des insatisfactions de leurs collaborateurs, les dirigeants de PME-ETI recherchent des solutions managériales pour préserver leur moral. Le développement de la motivation et de l’implication des salariés est leur premier enjeu (source : Bpifrance Le Lab, Attirer les talents dans les PME et les ETI, janvier 2018).
Quelles marges de manœuvre pour les dirigeants de PME-ETI ? Ils peuvent craindre de bouleverser leur organisation et disposent de marges restreintes du fait du durcissement de l’environnement des affaires ; ces stress et pressions générés participent au mal-être des collaborateurs. Les dirigeants doivent exercer des arbitrages entre volonté d’adapter leur management à leur époque et nécessité d’atteindre des objectifs. Les expérimentations se multiplient et il est difficile de trouver "la bonne formule".
Si les systèmes hiérarchiques et la division taylorienne du travail représentaient une réponse satisfaisante aux défis de productivité, ces pratiques s’éloignent désormais des valeurs de notre époque.
L’entreprise du XXIe siècle, au-delà du taylorisme ; les modèles alternatifs de l’entreprise libérée et de l’holacratie sont valorisés médiatiquement pour adapter les organisations à leur époque. Mais des questions se posent pour évaluer leur efficacité et pertinence et un constat s’impose : aucune solution miracle ne peut être universellement appliquée. Si de bonnes pratiques sont à isoler, les dirigeants doivent questionner les innovations managériales pour concevoir les plus adaptées à leur propre contexte.
Point 2 : Vers un renouveau managérial ; des critiques de longue date… aux expérimentations inédites
Du taylorisme à l’entreprise libérée : la longue marche des évolutions managériales. Le taylorisme rencontre dans les années 1880 des succès économiques majeurs grâce à la division du travail et au strict contrôle des tâches (OST). Mais les détracteurs dénoncent les cadences élevées pour les salariés, considérés comme des exécutants interchangeables.
Deux courants de pensées émergent dans l’entre-deux-guerres pour s’opposer au taylorisme.
- L’école américaine des relations humaines promeut le besoin de reconnaissance, d’expression et de réalisation de soi pour améliorer la productivité individuelle. L’autonomie et la participation génèrent un comportement coopératif «désirable» dans l’entreprise.
- La démocratie industrielle milite pour le gouvernement des travailleurs, sous forme de coopératives ou de participation directe aux instances dirigeantes. Une quête d’efficacité économique mais aussi de développement social est à l’œuvre.
A partir des années 1970, les systèmes alternatifs au taylorisme proposent de meilleures conditions de travail pour récupérer des points de productivité.
- Le management participatif et les nouvelles formes d’organisation du travail offrent plusieurs changements de paradigme. Parmi eux, le toyotisme venu du Japon est l’un des plus célèbres ;
- Les démarches d’empowerment encouragent les salariés à se comporter comme des entrepreneurs. Les organisations sont responsables de la reconnaissance des efforts accomplis et le manager n’est plus le contrôleur mais réunit les conditions pour que le collaborateur donne le meilleur de lui-même.
Des reproches persistants : un terreau propice à l’émergence de nouveaux paradigmes. Ni la tertiarisation de l’économie, ni la progression des niveaux d’éducation, ni l’introduction de politiques de ressources humaines n’ont fait disparaître la séparation entre « concepteurs » et « exécutants ». Loin d’avoir disparu, le taylorisme aurait adopté d’autres formes dissimulées derrière une émancipation relative des salariés. L’entreprise libérée et l’holacratie, modèles très médiatisés, ambitionnent de réconcilier épanouissement personnel et production collective.
Point 3 : Les nouvelles formes managériales : une solution au mal du siècle ?
1) L'entreprise libérée
Pour émanciper les collaborateurs des hiérarchies et du management autoritaire en améliorant la performance des organisations, Isaac Getz et Brian Carney proposent l’entreprise libérée. L’appellation désigne « diverses entreprises qui sont parvenues à instaurer une forme organisationnelle radicalement différente dans laquelle les salariés sont entièrement libres d’agir pour le bien de l’entreprise. » pour rendre le travail « plus épanouissant », en prenant de la distance avec les mesures autoritaires et en créant les conditions d’une autonomie et d’une responsabilisation des salariés. L’auto-détermination, la transparence et l’intelligence collective motivent les salariés, instaurent de l’agilité et créent davantage de richesse. Le pouvoir de décision revient à ceux confrontés à la réalité de l’entreprise et les managers intermédiaires n’ont plus de fonction de contrôle.
Les valeurs de l'entreprise libérée : la confiance ; la liberté des équipes ; l'égalité intrinsèque de collaborateur ; la responsabilité des salariés
Aux fondements de l’entreprise libérée… des théories et des croyances explicitées. La figure du «leader libérateur» décrit la volonté personnelle des dirigeants de bouleverser le fonctionnement de leurs équipes, dans la confiance et le respect des collaborateurs.
L’entreprise libérée est une philosophie que le dirigeant adopte et adapte selon son contexte et son métier. Elle place l’homme au cœur de l’entreprise en créant les conditions qui maximisent la liberté d’action de chacun au service de l’ambition collective. Cela revient à changer les rapports humains ; coordonner par le « pourquoi » ; faciliter l’exercice de l’autonomie.
L'entreprise libérée, exemples des bienfaits recherchés pour les clients : la satisfaction améliorée grâce à une réactivité supérieure dans le traitement de leurs demandes, et les innovations favorisées grâce à la prise d’initiatives et les remontées d’informations en provenance du terrain
2) L'holacratie
Focus sur l’holacratie : une organisation formalisée autour de l’intelligence collective. L’holacratie est un modèle d’organisation concret avec des règles écrites pour plus d’autonomie et de responsabilités des collaborateurs. Sa méthodologie est normative pour s’assurer du respect du « management constitutionnel ».
Les pyramides hiérarchiques sont remplacées par des "supercercles" d’activités compris dans un cercle général. Chacun dans l’entreprise peut avoir plusieurs rôles et appartenir à plusieurs cercles. Plus besoin de se référer à un manager, chacun devient responsable de la mission confiée dans la limite des règles du collectif. Les problèmes ou tensions sont évoqués lors de réunions de gouvernance. L’autorité n’est plus déléguée à un manager d’équipe ou à un seul dirigeant, mais est répartie entre tous les responsables de rôles. Le manager peut disparaître, mais pas le management, réparti entre collaborateurs.
Point 4 : Pas de consensus sur les nouveaux modèles : nombreuses critiques et limites.
Si l’entreprise libérée jouit d’une belle notoriété, elle n’a pas pour autant bouleversé le paysage managérial contemporain : sa réussite reste difficile à évaluer. Des critiques dénoncent les effets négatifs que peut avoir l’organisation libérée.
Point 5 : Il n’existe pas de solution universelle… mais certaines bonnes pratiques à approfondir
Face aux limites des organisations pyramidales traditionnelles, l’entreprise libérée et l’holacratie suscitent curiosité et enthousiasme, mais sont critiqués sur leurs fondements théoriques ou efficacité pratique. Malgré les attentes en matière de renouveau managérial, aucune solution miracle n'existe pour adapter les entreprises à leur époque.
Pourtant, les dirigeants peuvent insuffler un souffle nouveau au fonctionnement de leurs équipes. Les enjeux sont nombreux et les chantiers complexes. L’objectif n’est pas de chercher un modèle parfait, il est important de se saisir du sujet, de tester de nouvelles pratiques, d’en tirer des leçons et de parvenir à un modèle de management adapté à l’entreprise et accepté par le plus grand nombre.
Pourquoi Bpifrance Le Lab a-t-il réalisé l'étude "Sens et liberté : revenir aux fondamentaux du management" ?
Lors de son étude sur les talents dans les PME-ETI (publiée en 2017), Bpifrance Le Lab montrait que le 1er enjeu RH identifié par les dirigeants - quelle que soit la taille de leur entreprise - portait sur la motivation de leurs collaborateurs. La question est toujours aussi prégnante. Comment créer de l’adhésion au projet d’entreprise ? Comment engager les collaborateurs, dans une phase de transformations numérique et climatique, où la pression sur les entreprises se fait toujours plus forte ?
La question est d’autant plus saillante dans un contexte aussi particulier que celui que nous vivons : expérience du chômage partiel pendant plusieurs semaines, télétravail généralisé, activité partielle même quand le travail au bureau a repris, reprise d’activité dans un environnement économique incertain, etc. C’est ici qu’intervient le management : il peut créer autant d’engagement que de désengagement chez les collaborateurs. Il est souvent question d’innovations managériales parsemées de concepts, comme l’entreprise libérée, le plus connu. Face à des tensions inédites sur les organisations, nous avons donc voulu comprendre pourquoi les pratiques de management sont tant décriées, montrer ce qu’on attend d’elles, et comment les mettre en œuvre dans une PME-ETI.
Cette étude se présente comme un guide pour les dirigeants. Nous leur donnons un cadre de réflexion avec des modalités d’application théoriques, complétées par des exemples bien concrets. Cette analyse a été réalisée avant l’explosion de la crise sanitaire, mais ce cadre conserve toute sa pertinence. En effet, avant la crise actuelle et encore aujourd’hui, notre travail nous a forgé une conviction : il est urgent de revenir aux fondamentaux du management, le « bon sens » diront certains. Des fondamentaux certes, mais qui ne sont ni simples à mettre en œuvre ni à maintenir dans le temps.
Le management est un art subtil et difficile et ceux qui l’incarnent en entreprise doivent avoir des qualités relationnelles fortes - et bien d’autres - sans avoir peur de la remise en question permanente pour s’ajuster aux besoins de leurs équipes. Nous nous inscrivons en faux avec ceux qui poussent à la suppression systématique des lignes managériales. Ce ne sont pas les managers qui brisent les énergies mais l’autoritarisme, l’excès de contrôle et l’absence de confiance. Et bien sûr, le management a toute sa place dans la PME ou l’ETI : la proximité naturelle du dirigeant avec ses collaborateurs ne doit pas faire oublier les besoins quotidiens d’animation, de communication et d’explicitation des décisions stratégiques, de transversalité entre les équipes, etc.
Bpifrance Le Lab a synthétisé, à travers cinq axes, des mesures pertinentes pour l’ensemble des PME-ETI. Ces indispensables du management moderne doivent être interrogés en fonction des contextes propres à chaque entreprise, mais forment un socle de réflexion de premier ordre pour les dirigeants.