Article écrit par Helen Zeitoun, présidente du cabinet DATAE HUMANUM d’advisory senior pour Dirigeants et ComEx sur la stratégie d’investissement, d’opérationnalisation et d’adoption par le digital, la data et l’IA, pour une IA en conscience, efficiente, humaine et pérenne. Ex-Directrice Générale chez Ipsos et GfK, en charge de programmes de transformation majeurs à succès autour de l’innovation data et IA engagée et engageante, et ex-DG monde de Ipsos Sciences. Membre du Comité de Pilotage BPI sur l’IA dans les PME et ETI, membre de l’Académie des Sciences Commerciales en charge de l’IA durable et membre du comité stratégique du Forum de l’Innovation Technologique et de la Transformation.
Mon expérience multi-sectorielle me conduit à recommander une approche : « l’IA en conscience » via le prisme de 4 poupées russes. Car l’IA seule, isolée, ne produira pas de performance durable. Nombre de dirigeants ont cru (…et en sont revenus) à une baguette magique de productivité, ont dispersé des micro-usages IA sans cap stratégique, ni cohérence, ni mesure des coûts cachés, techniques et humains. L’IA offre une valeur insoupçonnée, mais à condition de s’y engager lucidement, sans aveuglement.
Poupée russe 1, l’IA : trois formes d’investissement
a. L’IA générative « chat » (ChatGPT, Mistral, Copilot ou équivalent…)
Utilisée par 36 % des chefs d’entreprise engagés. Elle facilite la prise en mains par les équipes, mais ses effets sur la performance incrémentale restent limités si elle reste isolée. Un risque de frustration du dirigeant.
b. Les IA « prêtes à l’emploi » (20 %)
Ces IA sont déjà configurées pour optimiser un processus business : gestion documentaire, analyse contractuelle, automatisation comptable, gestion automatique des factures fournisseurs… permettent des gains mesurables en termes de temps passé.
c. L’IA personnalisée (44 %)
Cette IA, générative ou non-générative, s’adapte aux besoins métier propres de l’entreprise et est la plus apte à créer de la valeur. Elle est développée soit en interne, soit par des prestataires externes. Vos processus manuels de validation et correction de formulaires sont automatisables avec une IA personnalisée, vos contenus sont déployables en multilingues et multiformats à l’échelle, votre CRM peut avec l’IA personnalisée générer des recommandations commerciales optimisées… Mais la valeur réelle de l’IA dépend des autres poupées russes …
Poupée russe 2, les données : socle de toute performance
Pas d’IA efficiente sans données pré-pensées. Les dirigeants sans culture data penseront à tort que « l’IA ne marche pas ». Or le véritable enjeu est la structuration des données. Vos « données » formulaires sont-elles homogènes et exploitables ? avez-vous renseigné la manière manuelle actuelle de les valider et corriger ? Vos commerciaux renseignent-ils systématiquement le CRM pour que le modèle IA de recommandation commerciale soit pertinent ? Quid d’y intégrer les données de courriels pour améliorer le modèle ? Si les historiques sont incomplets et les données-clients mal renseignées, comment déployer une IA pour prédire les ventes ? Résultat : inefficacité. Qualité et gouvernance des données sont indispensable, tout comme des infrastructures robustes pour les déployer. « Garbage in garbage out » …
Poupée russe 3, la stratégie business : IA au service d’une vision claire
Il est louable de se lancer dans l’IA et tester des applications « pour voir », mais tester pour tester a ses limites. Il faut très vite cibler des cas d’usage IA structurants avec un impact économique clair. Allez à l’essentiel de ce qui sert votre stratégie court et moyen terme !
Il existe 4 types de cas d’usage IA pertinents, à combiner dans votre portefeuille IA :
- Création de valeur par la productivité quotidienne (ex : automatisation de saisie de données) : la plus fréquemment envisagée
- Création de revenus à court terme (ex : IA générant des propositions commerciales ciblées)
- Valeur transformationnelle par productivité à moyen terme (ex : IA qui automatise des audits internes complexes, marge dégagée par des IA déployées à l’échelle)
- Valeur transformationnelle sur les revenus (ex : IA au cœur d’opportunités de nouveaux marchés)
Ne diluez pas vos efforts dans des cas d’usage « gadget » hors de votre cœur de métier et dont la valeur nette sera trop faible ! Ne les restreigniez pas non plus à des cas d’usage du quotidien au lieu d’investir sur ceux qui sont transformants notamment en termes de revenus ! Aujourd’hui seuls 29 % des dirigeants qui engagent l’IA visent une augmentation du chiffre d’affaires, 16 % l’ouverture de nouveaux marchés…alors que le potentiel est immense.
Poupée russe 4, l’humain : adoption et confiance
L’IA n’est durable que si elle est adoptée. Certains dirigeants redoutent une perte d’expertise, d’autres veulent avant tout réduire leurs coûts salariaux. Ces extrêmes sont dangereux. Une IA non adoptée est une IA inefficiente, et une IA imposée sans ménagement peut créer des insécurités psychologiques, des peurs latentes, détruire la confiance et l’engagement, voire la raison d’être au travail.
4 clefs pour une adoption réussie, en conscience et humaine :
- Formation généralisée : base indispensable
- Usage progressif de tous, au rythme des projets
- Posture du dirigeant sur une IA qui élève la personne humaine, enrichit la relation client, redonne du sens
- Attention portée à la durabilité énergétique et sociétale, en respect de la planète
En bref, la quatrième poupée russe n’est pas à négliger, ni financièrement, ni pour assurer l’engagement des collaborateurs, ni pour renouveler la raison d’être de votre entreprise à l’aune de l’IA. Oui, c’est au dirigeant de fixer le cap, de porter et incarner la transformation IA.
« L’IA en conscience », c’est une opportunité de renouveau technologique, business et humain.
Découvrez l’intégralité de notre étude sur l’IA dans les PME et ETI françaises.