Trois questions à Stéphane Guilbert
Professeur en Sciences de l’Aliment à Montpellier SupAgro, il est spécialiste de la transformation des agro-ressources et de la physico-chimie des biopolymères avec des domaines dapplication dans l’alimentation ou les biomatériaux
Le Lab : “D’après vos recherches, quelles sont les sources de protéines qui concentrent le plus d’avantages environnementaux, nutritifs et économiques ?”
Stéphane Guilbert : “On parle beaucoup des insectes, ne serait-ce que pour les animaux, et de la rentabilité nutritionnelle des légumineux. J’aimerais parler ici d’une alternative méconnue, celle des « super plantes » comme les feuilles de moringa, les orties ou les légumes d’eau. Les orties contiennent 40 % de protéines, soit plus que le soja et le bœuf. Pourtant, peu de personnes en font état dans le débat sur les protéines d’avenir. Elles sont encore très peu commercialisées et très peu utilisées. Selon moi, cette piste mérite d’être explorée et industrialisée au plus vite.”
Le Lab : “La filière de la protéine végétale va-t-elle devenir dominante ?”
Stéphane Guilbert : “Les filières de protéines végétales de 1re génération (soja et gluten de blé) sont déjà bien installées et vont se développer rapidement avec cependant un plafond lié à leur image négative pour le consommateur (origine et méthodes de culture pour le soja, hypersensibilité au gluten).
Les filières de 2e génération (concentrats et isolats de pois, lentilles, concentrats de tourteaux de colza…), de 3e génération (protéines d’algues, microalgues, protéines de feuilles, farines d’insectes…) et de 4e génération (viande cellulaire, protéines recombinâtes…) émergeront très lentement car les questions de disponibilité, d’approvisionnement, d’acceptabilité, de variabilité, de réglementation et de sécurité sanitaire sont loin d’être résolues.”
Le Lab : “Quels sont les principaux freins au développement de la protéine végétale ?”
Stéphane Guilbert : “Je dirais qu’il y a 4 types de verrous : le verrou « agronomique » et technologique sur les conditions de production, le verrou de la santé humaine et animale qui touche aux propriétés mais aussi à la sécurité des aliments, le verrou économique avec les filières et les modèles économiques, et enfin les verrous sociétaux et réglementaires avec l’acceptabilité et sa traduction en autorisations.
Dans un 1er temps, il me semble plus réaliste de viser des marchés de niche pour l’alimentation animale (alimentation spécialisée pisciculture, agents d’appétence et rehausseurs de goûts pour les pet food, ingrédients fonctionnels…) et l’alimentation humaine (substituts de protéines animales pour les végétar(l)iens, compléments alimentaires, ingrédients fonctionnels, composants de mix protéiques…).
Comme pour toutes les innovations de rupture, il faudra observer l’évolution des nombreuses startups qui se sont lancées sur ces produits issus de matières premières protéiques non conventionnelles.
Le sujet des "Enjeux de demain" vous intéresse ? Nous vous proposons de consulter les autres contenus de notre étude, accessibles ci-dessous !