Trois questions à Jean-luc Douillard
Jean-Luc Douillard, Psychologue clinicien et fondateur du dispositif Apesa, réseau de soutien psychologique aux dirigeants
Le Lab : Quels doutes un dirigeant peut-il éprouver au moment de prendre une décision importante pour son entreprise, comme celle de se lancer à l’international ?
Jean-Luc Douillard : “Tout d’abord, je pense qu’il est important de préciser qu’il ne faut pas faire de généralités : ce que ressent un dirigeant est propre à lui seul. La prise de décision, comme celle de se lancer à l’international, de réaliser un gros investissement ou d’embaucher de nouveaux collaborateurs, dépend de l’ambition du dirigeant pour son entreprise. Tous les entrepreneurs ne souhaitent pas que leur entreprise grandisse, notamment via des stratégies d’internationalisation avec lesquelles ils ne se sentent pas à l’aise. Certains redoutent de perdre la maîtrise de leur entreprise. Au-delà de la faisabilité opérationnelle du projet (est-ce que l’entreprise est capable de se lancer à l’étranger, est-ce qu’elle en a les moyens?), il y a la question de l’envie qui est centrale et qui doit être mise en relief avec l’ambition du dirigeant pour son entreprise. L’inhibition est un mécanisme de défense bien connu en psychologie. La réussite est synonyme de davantage de sollicitations, ce qui peut être angoissant car cela implique d’avoir une personnalité qui permette de faire face à cette surexposition.”
Le Lab : La peur de l'échec peut-elle limiter l'ambition du dirigeant pour son entreprise ?
Jean-Luc Douillard : “Aujourd’hui, l’identité professionnelle est devenue l’identité majeure de la vie. C’est la raison pour laquelle les gens souffrent au travail : ce sont les plus impliqués qui souffrent de burn out. Quand on est confronté à un échec dans sa vie professionnelle, on a l’impression d'avoir une étiquette qui nous colle à la peau et qui rappelle à tout le monde qu’on s’est planté. Cette peur de l’échec et de ses conséquences (difficultés économiques, licenciement, etc.) empêche souvent de sauter le pas et de se lancer. C’est le cas de l’international notamment. Partir à l’international, c’est une décision risquée et, dans de nombreux cas, le dirigeant préfère passer à côté des opportunités de croissance et de business par crainte de l’échec, au risque de ne pas développer son entreprise. La peur de ne pas y arriver est une angoisse extrêmement envahissante qui peut paralyser et empêcher le passage à l’acte.”
Le Lab : À vous entendre, on a l’impression que la prise de risque est uniquement une source d’angoisse. Est-ce le cas ?
Jean-Luc Douillard : “Il n’y a pas de réponse unique et catégorique à cette question car cela dépend du dirigeant. L’aversion du chef d’entreprise pour le risque joue beaucoup dans la décision de se lancer à l’international. D’un autre côté, il y a un aspect très excitant dans la prise de risque car on sait qu’on peut gagner beaucoup. Cette sensation est à comparer à celle que ressentent les sportifs de haut niveau ou les joueurs : le stress est source de motivation et d’adrénaline. Prendre un risque, c’est aussi toucher le plaisir et la sublimation de réussir. Se lancer à l’international, c’est un nouveau projet qui amène beaucoup de plaisir : le dirigeant redevient un entrepreneur.”
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