Muriel Lelong est président de 2PS Projection Plasma Système, qui réalise le revêtement des prothèses orthopédiques par projection thermique de plasma.
Bpifrance Le Lab : Quels sont vos enjeux actuels en termes de ressources humaines ?
Muriel Lelong : Nous refusons des marchés parce que nous n’avons pas de personnel pour produire. Nous en sommes à nous poser des questions sur « comment trouver du monde ? ». Plus largement dans notre secteur, il y a 1 000 postes à pourvoir sur les 300 entreprises qui composent la Mecanic Vallée1. Dans mon entreprise, je cherche trois personnes. Les postes sont ouverts. Je recherche des opérateurs en production, qui sont des personnes qui travaillent sur de la commande numérique. Je cherche des sableurs. Nous formons les personnes à nos machines. Donc si quelqu’un a un passé de fraiseur ou d’opérateur, avec une expérience dans le médical, j’embauche !
Bpifrance Le Lab : Comment faites-vous pour répondre à vos besoins en ressources humaines ?
Muriel Lelong : Je travaille beaucoup avec Pôle Emploi qui connait nos métiers et nous connait, auprès duquel je passe des annonces. Dans l’Aveyron, nous avons une plateforme qui s’appelle « L’Aveyron Recrute ». Elle est gérée par le Département. Parce que la problématique n’est pas que sur l’emploi. Elle porte également sur la désertification et comment on repeuple nos départements ruraux. L’Aveyron Recrute propose un accompagnement autour du recrutement. Pour qu’un recrutement soit réussi, il faut que le couple et les enfants s’intègrent et soient accueillis. Pour venir dans nos départements, il faut passer la barrière de l’isolement, la peur de l’école qui est moins bien, les activités extra scolaires pour les mômes, les activités culturelles pour sortir le week-end, etc. Il faut offrir un package. Nous essayons aussi de faire des actions à notre niveau. L’autre fois, j’étais à Paris, à un salon professionnel à Bercy. Il y avait aussi le marché des Aveyronnais au mois d’octobre et au milieu du marché des Aveyronnais, dans la maison de l’Aveyron, il y avait des jobs dating. Nous étions une cinquantaine d’entreprises pour recevoir des candidats.
Bpifrance Le Lab : Quels types de profils cherchez-vous à recruter ?
Muriel Lelong : Il n’y a pas de formation pour notre métier, ça n’existe pas. Donc il faut que l’on forme des gens à nos machines et à nos besoins basés sur le médical. Ce que nous recherchons avant tout, ce sont des profils de gens un peu posés, minutieux, rigoureux. Si nous voulons répondre à nos besoins, soit nous trouvons des Français à qui nous proposons du travail, soit nous allons vers un public éloigné de l’emploi que nous essayons de ramener vers l’emploi, avec toutes les difficultés que cela comporte, en matière de formation, de compréhension. Et puis après, si avec tout ça, nous n’arrivons pas à recruter, nous allons chercher plus loin. Et dans le chercher plus loin, il y a cette immigration choisie, volontaire.
Bpifrance Le Lab : Est-ce que l’immigration professionnelle est, selon-vous, un atout pour les entreprises ?
Muriel Lelong : Tout dépend de la finalité de l’entreprise. Quand vous avez pléthore de personnes à employer à côté, vous n’allez pas commencer à chercher des collaborateurs étrangers. Quand vous commencez à chercher des collaborateurs étrangers, c’est que vous avez un besoin qui n’est pas pourvu. C’est un petit peu comme quand vous avez mal. Vous ne voulez pas prendre un anti-inflammatoire. Ok, vous prenez de l’aspirine, c’est bien. Mais quand vous avez vraiment mal, vous pleurez pour avoir de la morphine, vous voyez ce que je veux dire ? Nous, ce que l’on réclame en tant qu’industriels, c’est une immigration choisie. On ne demande pas que ce soit « open bar ». Nous voulons une immigration choisie sur des postes non pourvus. Tout le monde parle de l’exemple du Canada, de l’Australie, etc. Je dirais qu’il n’est pas politiquement incorrect de parler d’immigration choisie auprès des industriels. C’est une certitude. Cela va au-delà des polémiques. Pour les chefs d’entreprise, pour les dirigeants, pour les RH, pour tout le monde, ce n’est pas un sujet. Parce qu’en fait, le choix que nous avons aujourd’hui, c’est recruter ou perdre des marchés.
1 Cluster de 300 entreprises établies sur deux régions (Nouvelle-Aquitaine et Occitanie) positionnées sur l’aéronautique, l’équipement automobile et la machine-outil.