L’Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA) est une confédération représentant les entreprises alimentaires françaises. Elle rassemble 32 syndicats métiers et 17 associations régionales.
Le Lab : Quels sont les enjeux de recrutement des industries alimentaires ?
L'ANIA : L’industrie agroalimentaire (IAA) est le premier employeur industriel en France avec plus de 450 000 salariés. On crée de l’emploi et on en a créé, même en période de Covid. Mais en 2020, une entreprise de l’IAA sur deux avait des difficultés à recruter. En 2022, c’est 70 %1. L’IAA est encore en phase d’automatisation et de robotisation. Elle n’est pas encore à son apogée dans cette transition technique. De ce fait, il y a des besoins sur les lignes de production pour vérifier la qualité, la bonne conformité, la mise en sachet. Cela passe par quelqu’un qui travaille avec ses mains et ses yeux. On a besoin d’ouvriers conducteurs de ligne, d’opérateurs de production, de techniciens de maintenance. Et aujourd’hui, peu de jeunes de 15 ans veulent travailler dans l’IAA. Ils ont peu de visibilité sur l’évolution de nos métiers. L’intelligence artificielle, la robotisation, l’automatisation débarquent mais on ne bénéficie pas de cette image moderne, contrairement à l’industrie l’automobile.
Nous commençons également à rencontrer des difficultés pour des profils en qualité, ou de commerciaux. Enfin, les entreprises déplorent un manque de compatibilité entre les formations disponibles et leurs besoins. Il y a la spécificité agroalimentaire mais, en plus, chaque branche aura des spécificités techniques et réglementaires, liées au produit, qui doivent être maîtrisées.
Le Lab Face à ces tensions de recrutement, quelles réponses sont apportées par l’ANIA ?
L'ANIA : Nous travaillons sur l’image du secteur pour attirer les jeunes. Nous nous sommes rendus compte que les étudiants en école agroalimentaire complétaient leur formation par des doubles diplômes en marketing ou finances et partaient plutôt dans la banque ou la cosmétique. Avec plusieurs partenaires, nous avons alors créé Ecotrophelia, trophées étudiants de l’innovation alimentaire. L’objectif était de leur donner le virus du secteur. Il a été atteint pour les participants. À partir de là, on a commencé à se dire que cette approche globale des métiers était intéressante, d’où le projet Erasmus +.
C’est un programme européen pour développer des formations innovantes sur l’IA et travailler sur son apport au secteur agroalimentaire. C’est une technologie qui parle aux jeunes. On s’attaque également aux représentations du secteur agroalimentaire dès le plus jeune âge. On mène une formation sur l’éducation à l’alimentation pour combattre le food bashing. On va parler aux enfants en périscolaire pour leur expliquer comment avoir une alimentation équilibrée, comment est produit une denrée alimentaire. L’objectif est de faire connaître le secteur pour ce qu’il est et de casser cette image de vieille industrie pas moderne. On a un enjeu d’industrie du futur, 7 % du CA est tout de même investi dans l’innovation. On essaie de développer davantage l’apprentissage, grâce au plan « Un jeune, une solution »2. En 2020, nous avons connu une belle évolution par rapport aux années précédentes avec 30 000 apprentis recrutés. En 2022, on est montés à 46 000 apprentis.
Le Lab : Face à ces tensions de recrutement, que peuvent les entreprises ?
L'ANIA : Pour faire face aux difficultés rencontrées pour recruter certains profils, des projets innovants pour former et recruter émergent au niveau des entreprises. Le projet Archipel3 en est une bonne illustration puisqu’il vise à favoriser l’insertion professionnelle de personnes éloignées de l’emploi par la voie de l’apprentissage au sein des IAA. À une autre échelle, un grand groupe comme Savencia, entreprise laitière, peut également avoir des difficultés de recrutement malgré son rayonnement international. Ils ont lancé un grand plan de recrutement de 500 apprentis et l’ont complété par l’ouverture de leur propre centre de formation et d’apprentissage, pour trouver leur public directement.
1 Enquête de besoin en main-d’œuvre de Pôle Emploi (2022), France Stratégie (2022), Comment expliquer les difficultés de recrutement anticipées par les entreprises ?, Dares 2022, Les tensions sur le marché du travail en 2021.
2 Plan du gouvernement lancé à l’été 2020 pour faciliter l’entrée des jeunes dans la vie professionnelle, et orienter et former les jeunes sur les métiers d’avenir. Il comprend des mesures spécifiques pour « booster » l’apprentissage. Pour les entreprises, il s’agit d’une aide financière exceptionnelle pour le recrutement d’un apprenti en première année allant de 5 000€ pour l’embauche d’un apprenti mineur, à 8 000€ pour l’embauche d’un apprenti majeur.
3 L’ANIA et l’IFRIA Île-de-France signent une convention de partenariat dans le cadre du projet Plan d’investissement dans les compétences (PIC) 100 % inclusion « Archipel ».