Les difficultés financières font partie de la vie des entreprises. Marges réduites, trésorerie tendue, résultat négatif… 72 % des dirigeants interrogés par Bpifrance Le Lab ont déjà été confrontés à une situation financière délicate.
Loin d’être une fatalité, ces difficultés peuvent être surmontées grâce aux dispositifs publics et l’aide de spécialistes (conseillers externes, acteurs judiciaires, associations, acteurs publics…).
Pour vous aider à y voir plus clair, Le Lab décrypte les différents dispositifs publics d’accompagnement.
Les procédures amiables sont souples et confidentielles pour anticiper les tensions financières
Procédures amiables, de quoi parle-t-on ?
Avant la cessation des paiements, le dirigeant peut mobiliser des procédures amiables comme le mandat ad hoc ou la conciliation, auprès du Tribunal de Commerce.
« Les procédures amiables comme le mandat ad hoc ou la conciliation sont de véritables outils de soin pour l’entreprise. On est dans une logique de prévention, de dialogue, de reconstruction. »
David Lacombe, Mandataire Ad Hoc et Conciliateur, Fondateur de la Clinique de la crise.
Ces dispositifs partagent une logique préventive et volontaire. Ils permettent de négocier, avec l’aide d’un professionnel, les créances de l’entreprise de façon confidentielle, afin d’éviter que sa situation financière ne se dégrade. La souplesse de la procédure permet au dirigeant de rester à la tête de l’entreprise et maître des négociations.
L’activation précoce de ces dispositifs est essentielle dans leur succès : 70 % des procédures amiables ont conduit à un accord, d’après une étude de la Banque de France(1).
Découvrez le témoignage d'un dirigeant de PME ayant vécu une procédure amiable réussie.
Quelles sont les différences entre le mandat ad hoc et la conciliation ?
Le mandat ad hoc permet à une entreprise en difficulté de résoudre des difficultés ponctuelles par la négociation. Le mandataire ad hoc, désigné par le tribunal de commerce, n’a pas de pouvoir contraignant. Il agit comme médiateur, sans imposer de solution.
La conciliation partage les mêmes objectifs. Néanmoins, la conciliation offre un cadre plus structuré, avec la supervision d’un juge et l’appui d’un conciliateur. La demande de conciliation doit être déposée sans cessation des paiements ou dans un délai inférieur à 45 jours. Elle a pour but explicite de parvenir à un accord formel avec les principaux créanciers et partenaires, dans un délai limité à 4 mois.
Le plan de sauvegarde s’inscrit dans une démarche volontaire de réorganisation de l’entreprise
Restructuration de l’activité, apurement des dettes… Les objectifs d’un plan de sauvegarde vont au-delà des procédures amiables et visent à réorganiser en profondeur l’entreprise lorsqu’elle rencontre des difficultés financières, juridiques ou économiques qu’elle ne parvient pas à surmonter seule.
« Nous avons choisi la procédure de sauvegarde comme un outil stratégique de gestion. Elle nous a permis de sécuriser l’activité en gelant 3 millions d’euros de dettes, et de nous concentrer sur la restructuration. »
Thierry Devanne, dirigeant d’Experium-Nax Group, PME/conseil, en rebond post sauvegarde.
Seul le Tribunal peut acter un plan de sauvegarde, s’il estime que les difficultés sont fondées. La procédure démarre donc par une période d’observation de 6 mois, renouvelable une fois. Pendant cette période, le tribunal évalue la situation économique et sociale de l’entreprise (inventaire des biens, liste des créanciers…), avant d’acter en faveur d’un plan de sauvegarde ou de rediriger l’entreprise vers une procédure de redressement ou de liquidation si les possibilités de sauvegarde sont vaines.
Un administrateur judiciaire est désigné dès l’ouverture de la procédure pour appuyer le dirigeant dans la gestion de l’entreprise. Le plan de sauvegarde permet le gel des créances, une suspension des poursuites et une réorganisation sous protection du Tribunal de Commerce.
Là encore, l’anticipation et l’accompagnement approfondi des procédures de sauvegarde sont décisifs pour sortir des difficultés : 60 % d’entre elles ont une issue positive, d’après une étude de la Banque de France(1).
En savoir plus sur la procédure de sauvegarde des entreprises.
Après la cessation des paiements interviennent les procédures judiciaires
Une fois l’entreprise en cessation de paiements, elle entre dans le champ des procédures judiciaires : redressement judiciaire et liquidation judiciaires. L’objectif devient alors la réorganisation de l’activité pour permettre la survie de l’entreprise, ou en derniers recours la cession ou la liquidation. Ces procédures publiques sont encadrées par le droit et impliquent une intervention du tribunal, la suspension des poursuites individuelles, et une mise sous contrôle de l’activité.
À retenir : Qu'est-ce que la cessation de paiement (ou défaillance) ?
La défaillance (ou sa traduction financière, la cessation de paiement) intervient lorsqu’une entreprise n'est plus en mesure de régler ses dettes immédiates (factures, salaires, charges sociales, emprunts arrivés à échéance) avec ses liquidités disponibles (argent en caisse, sur les comptes bancaires, créances rapidement recouvrables), même si elle possède d’autres actifs (machines, bâtiments, stocks).
Le redressement judiciaire est la dernière une chance de sauver l’entreprise
« On confond trop souvent redressement et liquidation judiciaire. Le redressement, c’est une chance de sauver l’entreprise, pas une condamnation. Tant qu’on entretient cette confusion, on freine les démarches de prévention. »
Hélène Bourbouloux, administratrice judiciaire, FHBX
Le redressement judiciaire offre un second souffle aux entreprises, en épaulant le chef d'entreprise dans la recherche de solutions et la reconnaissance des difficultés.
« Quand on rentre en procédure de redressement, on ne rentre pas en soins palliatifs mais en soins intensifs. On met à notre disposition des outils pour continuer à se battre. »
Thierry Bory, en rebond salarial, anciennement dirigeant d’Eco.déchets, ETI/gestion des déchets
Tout comme la procédure de sauvegarde, le redressement judiciaire débute par une période d’observation pouvant durer 12 mois maximum. Durant cette période, l’administrateur judiciaire et le dirigeant élaborent un plan de continuation, qui présente les modalités d’apurement des dettes, un bilan détaillé de l’entreprise, une proposition éventuelle de cession de l’activité, un plan de licenciement ou de reclassement si nécessaire, etc, pour redresser la situation de l’entreprise sur une durée maximale de 10 ans.
« Le plan de continuation c’est une nouvelle aventure, c’est comme si je repartais avec une nouvelle entreprise, c’est une nouvelle chance, il faut avancer. »
Christophe Gastelais, dirigeant de HMP-SN, PME/industrie, en plan de continuation post-redressement judiciaire
La procédure implique également les parties prenantes de l’entreprise : ses créanciers peuvent soumettre des recommandations sur le plan de redressement, et les salariés sont représentés et informés des mesures prévues.
Dans les cas où un redressement est impossible ou que ses propositions n’ont pas donné lieu aux résultats escomptés, le Tribunal de commerce prononce une liquidation judiciaire. C’est seulement à ce moment que le dirigeant perd la main sur l’entreprise, qui est liquidée pour rembourser les créanciers.
Les auxiliaires de justice apportent un soutien remarquable aux dirigeants en difficultés
Durant toutes ces procédures, la relation de confiance construite avec les auxiliaires de justice (administrateur judiciaire, conciliateur, mandataire ad hoc, etc.) est déterminante dans l’expérience des entrepreneurs qui les traversent.
« Je suis tombée sur un administrateur judiciaire extraordinaire. Il était très joignable, répondait à toutes mes questions. Dès que j’avais besoin d’une info c’est vers lui que je me tournais. J’ai bénéficié d’un vrai suivi, de vrais conseils. »
Audrey Pellan, PME, service à la personne, en redressement judiciaire
Leur rôle est d’aider à la sauvegarde de l’entreprise accompagnée, à la préservation de l’emploi et au remboursement des créanciers, tout en facilitant un éventuel rebond entrepreneurial du dirigeant.
24 % des dirigeants qui ont traversé des procédures collectives estiment désormais que les auxiliaires de justice sont les mieux placés pour les accompagner sur les difficultés de leur entreprise – un niveau proche des accompagnants de proximité (experts-comptables, avocats), et six fois supérieur à celui des chefs d'entreprises n’ayant jamais été confrontés à ces procédures.
Un chiffre qui rappelle que les procédures amiables et collectives sont avant tout des dispositifs humains qui viennent en aide aux dirigeants en difficultés. Chacun d’eux répond à des besoins et des temporalités spécifiques, pour couvrir au mieux le spectre des difficultés entrepreneuriales.
Dès les premiers signaux faibles — tensions de trésorerie, retards de paiement, perte de rentabilité — sollicitez un accompagnement. Un simple échange avec un conseiller, un expert-comptable ou un mandataire ad hoc peut suffire à ouvrir des perspectives et éviter l’engrenage de la crise.
Téléchargez les fiches outil pour identifier le(s) dispositif(s) adapté(s) à vos difficultés.
Sources :
(1) : Banque de France, Les procédures amiables au bénéfice des entreprises en sortie de crise, 2021