Les dirigeants d’entreprise en difficultés peinent à comprendre les dispositifs d’accompagnement qui s’offrent à eux. Les procédures amiables présentent pourtant des chances élevées de réussite : 70 % aboutissent à un accord, contre seulement 25 % des liquidations judiciaires(1).
Pour l’étude « Rebondir : les dirigeants face à l’échec entrepreneurial », nous avons rencontré 34 (ex)dirigeants. Ce témoignage en est extrait. Après plus de dix ans de croissance, cette PME du secteur textile a connu une crise majeure, surmontée grâce à une stratégie de redressement audacieuse et une communication transparente dans le cadre d’un mandat ad hoc.
« L’idée même de solliciter le Tribunal de commerce me semblait synonyme d’échec. »
Vous avez traversé une période très difficile en 2023. À quel moment avez-vous compris qu’il fallait changer de cap ?
« Deux ans après la crise Covid, le constat est devenu évident : la trajectoire de l’entreprise n’était plus viable. Deux années consécutives de baisse de chiffre d’affaires, une trésorerie épuisée au printemps suivant, et aucune marge de manœuvre pour obtenir de nouveaux financements. Le positionnement tarifaire n’était plus adapté au marché. Il a fallu agir rapidement, repenser en profondeur la stratégie, et retrouver une forme de radicalité dans les décisions.
Durant cette période, j’ai rencontré celle qui est aujourd’hui directrice générale à mes côtés. Notre binôme a été déterminant. Elle est arrivée avec un regard neuf pour accompagner la relance, pendant que moi, j’étais un dirigeant épuisé, en quête de souffle. Ce duo a été la clé du redémarrage. »
Comment avez-vous vécu l’entrée en procédure amiable, notamment le mandat ad hoc ?
« Très difficilement au début. L’idée même de solliciter le Tribunal de commerce me semblait synonyme d’échec. Il y avait de la fatigue, de la fierté blessée, et une méconnaissance de ce que cette procédure pouvait réellement offrir.
Mais une fois le mandat ad hoc ouvert, tout a changé : cela nous a permis de structurer un plan de relance, de préserver la confidentialité, et surtout de rester aux commandes. C’est un outil encore trop méconnu, mais il nous a donné une vraie chance de rebondir sans laisser de passif derrière nous. »
« Il reste une forme de tabou : on accepte qu’une entreprise traverse des difficultés, mais pas qu’elle soit en procédure. »
Vous avez choisi de raconter publiquement cette période, sans pour autant évoquer la procédure. Pourquoi ?
« Parce que ce qui touche les gens, c’est l’histoire humaine, pas les termes juridiques. Ce qu’ils ont vu, c’est une personne qui assume, qui dit “on tente le tout pour le tout” et qui se bat pour relancer son activité. L’authenticité a été bien reçue.
Mais il reste une forme de tabou : on accepte qu’une entreprise traverse des difficultés, mais pas qu’elle soit en procédure. Le mot fait peur, alors qu’il s’agit d’un outil de gestion, pas d’un stigmate. »
Avec le recul, que retenez-vous de cette expérience ?
« C’est une expérience humaine intense. J’ai compris qu’il faut garder une forme de radicalité, rester fidèle à ses convictions, et ne pas se perdre dans les chiffres. Le dirigeant doit rester au cœur du processus de redressement.
Aujourd’hui, l’activité a retrouvé un équilibre, mais il reste un enjeu majeur : mieux faire connaître ces dispositifs, les dédramatiser, et surtout protéger les dirigeants sur le plan personnel. »
Tensions de trésorerie, retards de paiement, perte de rentabilité… Aux premiers signaux de difficultés, faites-vous aider. Une prise de conscience anticipée et le recours rapide à un accompagnement augmentent significativement les chances d’éviter un aggravement des tensions financières.
Retrouvez notre article sur les différentes procédures d’aides aux entreprises en difficultés.
Source :
(1) : Banque de France, Les procédures amiables au bénéfice des entreprises en sortie de crise, 2021