Témoignage de Damien Marc pour l'étude "L'avenir de l'Industrie"
Damien Marc, Président de JPB Système
Présentation de l'entreprise
JPB Système développe et fabrique des produits auto-freinants de pointe depuis 1993. Entreprise d’innovation, JPB Système a, dans un premier temps, sous-traité sa production auprès d’un fournisseur polonais. Mais l’entreprise grandissant, et la dépendance à ce fournisseur s’amplifiant, l’entreprise a décidé d’internaliser sa production. Après avoir envisagé de racheter une usine en Pologne ou en France, JPB Système s’oriente vers une 3e option : construire une usine hautement automatisée en France. Voici le récit de cette aventure.
“Construire son usine du futur de manière pragmatique”
Damien Marc : “Je me suis fixé le challenge de construire une usine en France avec : un prix de revient qui ne soit pas plus élevé que celui de la Pologne, et le moins de monde possible pour faire tourner mon outil.
À l’époque, j’ai consulté tous les fabricants de machines en leur disant : « voilà ce que je veux : c’est entrer des barres de matière et qu’il en sorte des pièces bonnes automatiquement. » Ils m’ont répondu que ce n’était pas possible, que cela n’existait pas. Alors, je me suis constitué une petite équipe en interne. J’ai embauché quelques ressources supplémentaires et nous nous sommes mis au travail. Nous avons choisi nous-mêmes les briques technologiques pour construire notre usine du futur.
Notre 1re étape a été de faire communiquer les machines entre elles. Je me souviens m’être fait la réflexion que les machines que j’avais achetées entre 300 et 500 000 € étaient vraiment stupides. Elles étaient capables d’usiner au micron près, mais incapables de communiquer avec la machine de contrôle tridimensionnelle.
Nous avons créé, de manière itérative, des protocoles de communication de telle sorte que, par exemple, la machine qui contrôle les pièces puisse dire à la machine qui les fabrique : « voilà ce que j’observe sur la pièce que tu viens de fabriquer, voilà ce qu’il faut que tu corriges pour compenser l’usure de tes outils. » Des choses aussi simples que cela, prises une à une, mais qui forment un ensemble très complexe.
La 2e étape a été la robotisation. Nous avons consulté des intégrateurs avec la volonté de faire en sorte que toutes les tâches à faible valeur ajoutée, comme nettoyer des pièces, les déplacer ou les déposer sur une machine de contrôle, soient automatisées. Puis, on a connecté l’ensemble de ce système à notre ERP et à nos bases de données existantes pour que tout communique en bilatéral. Une fois que tout cela a été fait, nous avons également développé la couche logicielle qui permet aux opérateurs de communiquer de manière ultra simple et efficace avec cette ligne pourtant très complexe. On a créé notre propre MES (Manufacturing Execution System) de pilotage.
Nous avons appris beaucoup en avançant. Ce que je dis régulièrement sur ce projet, c’est que si nous avions dû écrire un cahier des charges extrêmement précis, nous en serions encore au stade de l’écriture. J’ai cette chance de ne pas avoir d’actionnaires à convaincre de la pertinence de mes choix. J’ai senti que ça allait fonctionner. De toutes façons, il n’y avait pas d’autre choix. J’ai donc validé l’investissement. Il y a eu des tas d’embûches évidemment, mais nous y sommes arrivés. (…) Aujourd’hui, notre process de fabrication est très automatisé. Nous avons un robot qui décharge les pièces à la sortie des machines ; nous avons ensuite une cellule de contrôle qui vérifie 100 % des pièces. Toutes ces informations apparaissent sur un pupitre de commandes. L’opérateur peut presque s’asseoir en bout de ligne et contrôler les 6 machines de la ligne. Les machines tournent aujourd’hui en 2/8. (…)
(…) On entre à présent dans une nouvelle ère. C’est ce que les américains appellent le light out : l’atelier continue de produire, lumières fermées, sans personne à l’intérieur. C’est quelque chose que nous expérimentons depuis le début de l’année et qui donne de très bons résultats. Il n’est pas rare qu’à 22 h, je me connecte à la ligne et que je vois ce qu’il s’y passe. S’il y a un incident, je le résous avec mon téléphone. On est vraiment dans cette ère aujourd’hui : plus besoin d’être sur place pour pouvoir agir sur la machine. C’est puissant !
Ma recommandation à toute boîte qui voudrait se lancer dans ce type d’aventure ? Il faut, dès le début, disposer en interne d’une ou deux ressources informatiques qui maîtrisent le réseau ainsi que l’architecture informatiques. Des personnes ayant des capacités de codage et de programmation sur du web PHP et maîtrisant les bases de données. Une fois qu’on dispose de ces compétences, on peut vraiment être efficace sur son projet…
Honnêtement, je crois que notre avantage a été d’avoir mis ce projet-là en route, sans n’avoir jamais assisté à une réunion appelée « usine du futur » ou « usine 4.0 ». On n’a pas perdu de temps à assister à ces réunions. Nous ne nous sommes pas du tout inspirés de quelque chose d’existant. Cela n’aura été, d’un bout à l’autre, que du bon sens. J’ai initié le projet dans ses grandes lignes, je l’ai suivi de près, mais après, j’ai vraiment laissé mes équipes travailler dessus, affiner chaque brique. Ils se sont vraiment investis sur ce projet. Ce n’est que plus tard, lorsque nous avons ouvert notre usine aux visites, que nous nous sommes rendus compte que notre projet correspondait point pour point à la vision de l’Usine du Futur. Mais notre point de départ a simplement été de vouloir fabriquer le plus efficacement possible, le moins cher possible, avec le moins de monde possible.”
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