Témoignage d’Elise Guilhaudis, auteure du livre blanc sur « Comment ubériser Uber »
Elise Guilhaudis, Avocate, Auteure d’un livre blanc sur « Comment ubériser Uber »
Elise Guilhaudis : “En tant qu’Avocate en Droit du numérique, j’ai mené il y a un an l’étude suivante : « Comprendre la blockchain à travers l’étude d’un cas pratique : le covoiturage - Projet Blockcar ».
J’ai voulu confronter ces technologies à un cas concret simple - le covoiturage - et vérifier s’il est possible en France, sur la base des règles de droit actuelles, de désintermédier un service de covoiturage grâce à une blockchain et un smart contrat (ce service étant actuellement assuré par des plateformes web, telles que Blablacar, moyennant le paiement de commissions). Cette étude fait un tour d’horizon des principales questions juridiques qui se posent.
Ce travail a permis de montrer qu’il serait possible, sous certaines conditions, d’automatiser un service de covoiturage et d’obtenir un meilleur niveau de confiance (informatique et juridique) de ses utilisateurs, grâce à une blockchain et à un smart contract. Ces 2 technologies, mêlées l’une à l’autre, semblent offrir d’indéniables avantages, notamment en matière de réduction de coût de service, de simplification et de sécurité informatique.
Mais ces avantages ne doivent pas aveugler les lecteurs. S’il semble possible d’automatiser des process simples et de supprimer certains intermédiaires, je ne crois pas, contrairement à ce que certains auteurs affirment, à une désintermédiation totale de l’économie, sans plus aucun contrôle humain, ni respect des règles actuelles (notamment le RGPD et le code de la consommation). Ces technologies devraient au contraire faire émerger de nouveaux tiers de confiance numériques, et aboutir à un renforcement de la règlementation actuelle, notamment pour protéger les utilisateurs contre les dérives.
Il me semble essentiel que les futurs porteurs de projet appréhendent parfaitement non seulement ce que ces technologies peuvent apporter mais aussi les limites et les dangers qu’elles comportent. Il conviendra également de s’interroger sur leur pertinence au cas par cas.
Il ne faudrait pas croire trop naïvement, que ces technologies seraient la solution à tout, qu’il serait possible de tout automatiser, et d’enregistrer tout type de données sur une blockchain, sans aucune régulation ni contrôle. Le maintien, voire le renforcement d’une gouvernance humaine du système et la présence d’acteurs identifiés (ou identifiables) me semblent inévitable et indispensable. À défaut, l’utilisateur victime d’une défaillance du système serait dans l’incapacité d’identifier le responsable et d’obtenir une quelconque réparation.
Pour s’engager dans l’aventure de la blockchain, sans prendre de risques excessifs, il faudra définir, avec l’aide d’un conseil juridique, quels engagements pourront être automatisés grâce à un smart contract et ceux qui resteront traités par des humains, sous peine d’accroître les contentieux. Il faudra également veiller à ce que le code informatique soit parfaitement fidèle aux engagements contractuels souscrits dans le monde réel, et qu’il prenne en compte les cas particuliers (par exemple la force majeure ou l’obligation de moyen). Une réflexion devra aussi être menée, afin de déterminer, selon les cas d’usage, quelles données seront enregistrées sur le registre blockchain, par qui, à quelles conditions, et à quelles fins.
Enfin, espérons que des protocoles blockchain français et européens, plus sécurisants que Bitcoin (dont les fermes de minage sont majoritairement basées en Chine), voient le jour rapidement afin de permettre l’émergence des premières licornes (startups) sur nos territoires.”
Elise Guilhaudis, Avocate, Auteure d’un livre blanc sur « Comment ubériser Uber »
Etude de cas publiée dans la revue Lamy Droit de l'Immatériel, décembre 2017. www.numetik-avocats.com
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