Une économie rurale discrète… mais essentielle qui concerne 28 % des établissements français
Derrière les images de villages aux volets clos, la France rurale abrite un tissu entrepreneurial puissant et varié. 28 % des établissements français y sont implantés, des boulangeries aux entreprises industrielles exportatrices, réaffirmant que les campagnes ne sont pas des espaces marginalisés, mais des zones productives à part entière.
Cette présence massive contraste avec la faible couverture médiatique perçue par leurs habitants : seuls 21 % disent se sentir représentés par la presse nationale. La ruralité productive vit donc en retrait du récit collectif, mais pas du dynamisme économique du pays.
90 % des dirigeants ne voient pas la ruralité comme une faiblesse
L’étude bouscule une idée reçue : la ruralité n’est PAS un handicap entrepreneurial.
Seuls 10 % des dirigeants déclarent que leur localisation constitue une faiblesse, tandis que 45 % l’associent à une vraie force : coûts d’exploitation réduits, fidélité de la main-d’œuvre, disponibilité du foncier, interconnaissance locale, accès direct aux élus… autant de leviers souvent négligés dans les analyses urbaines.
Cette vision positive n’efface pas les défis, mais montre une ruralité assumée, revendiquée, et souvent même choisie avec fierté.
Néanmoins, 65 % des dirigeants font face à des difficultés de recrutement
Si les chefs d’entreprise relativisent les freins structurels (transport, innovation, financement), un enjeu s’impose : le recrutement, cité par deux dirigeants sur trois bien davantage que la moyenne nationale (40 % selon France Travail ).
Les causes varient selon les territoires :
• faible bassin de population,
• mobilité contrainte (absence de transports collectifs),
• difficultés d’attractivité pour les cadres,
• saisonnalité et isolement dans les zones touristiques.
Le recrutement s’impose ainsi comme l’obstacle numéro un, transcendant les secteurs et les départements.
75 % des dirigeants ont un lien affectif avec leur territoire
Plus qu’un choix stratégique, l’implantation rurale relève souvent du lien personnel :
• 43 % des dirigeants ont grandi sur leur territoire et n’en sont jamais partis,
• 20 % sont partis puis revenus,
• 7 % y ont des attaches familiales,
• 5 % s’y sont installés après y avoir travaillé ou étudié.
Autrement dit, trois dirigeants sur quatre entreprennent là où se trouvent leurs racines. Cet enracinement structure la manière d’entreprendre : proximité, connaissance des habitants, empathie au quotidien. Il se traduit aussi dans la vie personnelle : 74 % habitent à moins de 20 km de leur entreprise.
Trois profils de dirigeants ruraux se distinguent
Cette étude révèle la diversité des trajectoires qui mènent à entreprendre en milieu rural. Trois grands profils émergent :
- Les Enracinés (43 %) : la continuité familiale
Ils n’ont jamais quitté leur territoire. Leur moteur est affectif, familial. Ils dirigent souvent des entreprises de l’économie résidentielle et portent une attention particulière à la vie locale. Ils soutiennent des associations, participent aux comités locaux, contribuent à la cohésion.
- Les Réinstallés (20 %) : le retour au pays avec un bagage d’expérience
Après une parenthèse urbaine ou ailleurs, ils reviennent volontairement dynamiser leur région. Leur engagement territorial est souvent le plus fort : cumul de responsabilités associatives, projets collectifs, volonté explicite de revitalisation.
- Les Tacticiens (20 %) : la stratégie avant l’affect
Ils s’installent d’abord pour des raisons rationnelles : foncier disponible, main-d’œuvre, acceptabilité des projets industriels. Plus éloignés géographiquement et socialement du territoire, ils n’en demeurent pas moins des acteurs économiques essentiels, moteurs des filières productives locales.
Ces trois visages racontent une ruralité plurielle, bien loin du cliché uniforme.
67 % des dirigeants se sentent investis d’une responsabilité territoriale
La ruralité économique est aussi un engagement citoyen.
Deux dirigeants sur trois estiment avoir un rôle à jouer dans le développement de leur territoire, au-delà de leur entreprise. Cela se traduit par plusieurs actions concrètes :
• 84 % accueillent stagiaires et apprentis,
• 81 % sponsorisent des associations locales (contre seulement un tiers en moyenne nationale),
• 37 % mènent des initiatives écologiques (circuits courts, économie circulaire…),
• 59 % exercent une fonction supplémentaire (associative, professionnelle ou politique).
La ruralité serait ainsi moins un lieu d’isolement qu’un espace d’interactions fortes, où l’entreprise devient un pivot de la vie locale.
83 % des dirigeants collaborent entre eux, gage de coopérations locales solidaires
Contrairement à l’imaginaire du dirigeant isolé, la ruralité développe des réseaux d’entraide puissants :
• 84 % estiment avoir de bonnes relations avec les entreprises voisines,
• 83 % ont déjà collaboré avec d’autres acteurs locaux,
• 36 % ont mené des actions solidaires spontanées,
• 20 % coorganisent des événements communs.
Ces coopérations sont majoritairement informelles, mais elles nourrissent un sentiment de proximité rare, un capital social très éloigné des logiques concurrentielles urbaines.
Entre essor (8 %) et déclin (21 %) les dynamiques divergent en fonction des territoires
L’étude dessine une géographie contrastée des ruralités :
• En Savoie, 33 % des dirigeants voient leur territoire en plein essor.
• En Haute-Savoie, 32 % partagent ce sentiment.
• En Vendée et Loire-Atlantique, les perspectives sont également positives.
À l’inverse, dans 23 départements, aucun répondant ne décrit son territoire comme “en plein essor”.
La diagonale du vide apparaît nettement, révélant des zones où les dirigeants se sentent plus isolés, plus responsables, parfois plus vulnérables.
Redonner voix à la ruralité productive
Avec 2 532 réponses, cette étude donne une ampleur inédite à la parole des dirigeants ruraux. Le message est clair : loin d’être une France figée, la ruralité entreprend, se réinvente, coopère, crée des emplois, forme les jeunes et fait vivre des territoires souvent oubliés.
Mais sa vitalité reste fragile : difficultés de recrutement, inégalités territoriales, politiques publiques davantage tournées vers l’économie résidentielle, contraintes foncières ou de mobilité.
Donner la parole à ces dirigeants, c’est rendre visible une partie essentielle de l’économie française. C’est aussi poser une question : comment intégrer pleinement la ruralité productive dans les politiques économiques nationales ?