Une prise de conscience stratégique nécessaire
La guerre en Ukraine, le réarmement européen et l’objectif de l’OTAN de porter les dépenses de défense à 3,5 points de PIB d’ici 2035 (contre 2 points aujourd’hui en France) replacent la question de l’effort de défense au cœur du débat économique.
Une étude inédite sur un périmètre élargi
L’originalité de cette étude tient à son champ d’analyse : elle ne se limite pas à la Base industrielle et technologique de défense (BITD), mais englobe toutes les entreprises ayant une activité dans la défense ou dans des secteurs connexes.
Réalisée en partenariat avec la DG Trésor, l’étude s’appuie sur :
- une enquête auprès de 1 700 dirigeants menée durant l’été 2024,
- 57 entretiens qualitatifs (dirigeants, experts publics, financiers, chercheurs),
- et un cadrage macroéconomique à partir des objectifs fixés par l’OTAN.
L’objectif : mesurer les capacités réelles des PME et ETI françaises à soutenir l’effort de défense.
La défense mobilise : 43 % des entreprises veulent s’y développer
Près d’une entreprise extérieure à la défense sur deux (43 %) souhaite développer une activité dans ce secteur.
Deux logiques coexistent :
- l’opportunité de croissance, pour les entreprises en bonne santé qui veulent se diversifier ;
- la contrainte économique, notamment pour des secteurs fragilisés comme l’automobile.
Du côté des acteurs déjà présents dans la défense, la dynamique est quasi unanime : toutes veulent renforcer leur position sur ce marché stratégique.
Un effort de 31 milliards d’euros à soutenir d’ici 2035
L’effort de défense visé par l’OTAN représente 31 milliards d’euros supplémentaires de chiffre d’affaires à générer dans la défense d’ici 2035, soit une croissance annuelle de 7,6 % (hors inflation).
Un rythme supérieur à celui constaté depuis la guerre en Ukraine (+5,5 %).
Cet objectif suppose un besoin de financement global de 15 milliards d’euros, dont :
- 5 milliards en fonds propres,
- 10 milliards en dette.
Pour y parvenir, un engagement fort des acteurs financiers sera indispensable, d’autant que la BITD reste confrontée à des difficultés d’accès au financement.
Un tissu sous pression : vers une nécessaire logique de filière
Les PME et ETI les plus critiques de la défense, souvent sous-traitantes directes des grands donneurs d’ordre (Safran, Dassault, Airbus, Thalès…), sont aujourd’hui les plus fragilisées :
- trésorerie dégradée,
- endettement élevé,
- surcharge opérationnelle,
- relations contractuelles tendues.
À l’inverse, les grands groupes disposent de marges confortables et d’une forte capacité d’autofinancement.
Pour réussir l’effort de défense, il faut sortir d’une logique de prédation pour construire une véritable filière “win-win”, où la valeur serait mieux partagée entre acteurs.
Diversifier vers la défense : une stratégie exigeante
La défense attire, mais n’est pas un eldorado garanti. Les barrières à l’entrée sont nombreuses : cycles longs, paiements différés, contraintes de certification, processus d’homologation complexes. Il faut donc avoir les reins solides : 73 % des dirigeants extérieurs à la défense déclarent avoir du mal à se faire identifier par les donneurs d’ordre.
De plus, la défense ne résout pas les difficultés structurelles des secteurs en crise : pour une entreprise déjà fragile, ce marché ne sera pas un levier de trésorerie à court terme.
La clé réside dans une diversification raisonnée :
- conserver un équilibre entre activités civiles et militaires,
- miser sur l’export,
- et investir dans la solidité financière pour tenir la distance.
Vers une mobilisation collective
L’effort de défense ne pourra aboutir sans une montée en puissance coordonnée de tout l’écosystème : entreprises, financeurs, et institutions.
Cette étude pose une question centrale : sommes-nous prêts, collectivement, à soutenir l’effort de défense ?