Paul Bougnoux
Président de Largillière Finance
Paul Bougnoux démontre que les rigoureux banquiers d’affaires savent aussi faire preuve de flexibilité dans l’intérêt de leurs clients. Le dirigeant de Largillière Finance dévoile l’accompagnement global qu’offrent ses équipes aux acquéreurs, dans le cadre de leurs opérations de croissance externe.
Bpifrance Le Lab. Dans le cadre d’acquisition d’entreprise, pouvez-vous nous expliquer la nature précise de vos actions auprès des dirigeants ?
Paul Bougnoux. Nos interventions s’échelonnent tout au long de quatre étapes clés. Tout d’abord, nous aidons les dirigeants, les investisseurs et les actionnaires de PME et ETI à réfléchir à leur stratégie et à leurs projets d’opérations pouvant servir leurs objectifs de long-terme. Ensuite, si l’option de la croissance externe est retenue par nos clients, nous étudions la meilleure manière de faire et nous identifions les meilleures cibles du marché. Lorsqu’une cible présente plus d’intérêt qu’une autre, nous passons à la phase d’audits et à l'accompagnement de la rédaction des éléments juridiques, en collaboration avec les avocats. Enfin, nous menons des debriefs post-acquisition pour tirer des enseignements des douze mois de l’opération, afin d’améliorer ce qui peut l’être pour la suite.
Sur quoi fondez-vous vos analyses pour rationaliser les discussions avec vos clients ?
Nous étudions attentivement les informations clés du marché et nous nous servons de ces constats documentés pour nourrir les discussions. Nous nous intéressons ainsi aux valorisations des entreprises sur le marché, à la fluidité constatée des opérations (y a-t-il beaucoup de vendeurs ? beaucoup d’acheteurs ?), aux tendances sectorielles du M&A et des effets de synergie déjà prouvés dans tel ou tel domaine. Dans ces discussions, nous n’oublions pas les actionnaires et nous cherchons à savoir si les opérations envisagées sont relutives ou dilutives. Enfin, nous envisageons différentes modalités de financement en fonction des caractéristiques de l’entreprise (equity, dette bancaire, earn-out…). Ces informations peuvent toutes avoir une influence sur les sommes finales à débourser, et donc sur les stratégies d’acquisition. A cette étape, les bonnes nouvelles sont peut-être moins décisives que les écueils et embuches à anticiper.
A l’issue de cette réflexion initiale, comment les projets d’acquisition se concrétisent-ils ?
A ce moment des discussions, nos clients peuvent nous dire « j’y vais » ou « je n’y vais pas ». Le choix de ne rien faire constitue aussi une option sur la table, et parfois la meilleure lorsque la croissance organique répond mieux aux intérêts de l’entreprise. Si le choix de la croissance externe est retenu, la définition de la stratégie et l’identification des cibles les plus pertinentes commencent. Nous interrogeons alors nos clients pour retenir les critères clés afin d’aiguiller nos recherches : aire géographique, niveau de rentabilité, taille, structure managériale et organisationnelle, situation financière… Nous n’essayons pas de dresser le portrait-robot de la cible type, mais nous resserrons nos critères de recherches jusqu’à dessiner des profils pertinents à ne pas rater. En parallèle, nous établissons avec nos clients, et selon leurs propres connaissances du marché, des blacklists et whitelists regroupant respectivement les sociétés à éviter et les sociétés à contacter en priorité.
Après les premières prises de contact entre acquéreur et vendeur, quelles sont vos interventions de banquier d’affaires ?
L’accompagnement que nous proposons à nos clients s’étend tout du long du processus d’acquisition. Nous transmettons d’abord aux acquéreurs des fiches très complètes sur l’entreprise cible. Nous cadrons ensuite leurs échanges jusqu’à une potentielle rencontre entre acheteur et vendeur. Si les discussions sont fructueuses, l’ébauche d’un accord peut se matérialiser dans une LOI (letter of intention). Dès cette étape, les différentes parties peuvent s’entendre sur les modalités de paiement, le périmètre de l’opération, le prix, les clauses de réserve et le calendrier envisagé. A partir de ce socle, nous menons bien sûr de nombreux audits dans le but d’établir la valorisation la plus précise possible de l’entreprise ciblée. Au fur et à mesure, nous contrôlons avec les avocats la rédaction des share purchase agreement (SPA) et de tous les éléments juridiques nécessaires. Enfin, nous sommes très actifs dans la phase de négociation pour tenir bon sur tous les points clés du dossier.
« S’il faut se méfier d’une cible, on le dit sans hésiter. Nous n’avons aucune envie de faire des opérations à tout prix. Dans notre profession, la réputation est bien plus importante que la rémunération ponctuelle au succès. » Paul Bougnoux
Quel est l’intérêt de faire appel à une banque d’affaires pour un dirigeant de PME ?
La gestion des acquisitions : c’est notre métier. Il y a des règles, des codes et des bonnes pratiques à connaître pour maximiser ses chances de succès. Nous apportons donc notre expérience et notre expertise pour naviguer plus sereinement dans cet environnement complexe. Par ailleurs, notre entremise permet d’établir des premiers contacts anonymes avec les cibles envisagées. Notre stratégie d’approche peut aussi faciliter les discussions car nous savons capter l’attention des dirigeants et éveiller leur intérêt. Nos messages reçoivent toujours des réponses. Enfin, notre capacité à identifier des cibles hors cadre peut faire la différence. Ce dernier point est important car les entreprises déjà sur le marché se vendent généralement au plus offrant… Notre rôle consiste donc à proposer des idées, des directions et des cibles auxquelles nos clients n’auraient pas pensé.
Selon vous, cette stratégie d’acquisition est-elle compatible avec la mentalité et les valeurs des dirigeants de PME ?
On parle de SPA, de LOI, de gaps, de termes techniques en tous genres. Le ressort de tout cela, et notamment dans le small et mid-cap, c’est le projet du dirigeant. La dimension psychologique, humaine, est primordiale dans ce domaine. Certains dirigeants, par exemple, vont chercher à acheter et intégrer de nombreuses entreprises, car ils ressentent le besoin de croître et de faire preuve d’agilité. D’autres, à l’inverse, ne peuvent pas supporter l’idée de voir leur entreprise connaître de forts bouleversements car cela risquerait de menacer leur équilibre. Les dirigeants de PME ne vont pas toujours envisager ces questions de la même manière. En France, il y a une vraie course à la croissance externe ces derniers temps. Celle-ci est facilitée par les banques et fonds d’investissements qui proposent des taux toujours très faibles, des garanties à prix réduits et de nombreuses stratégies de build-up…
Certains dirigeants peuvent-ils repousser cette stratégie de croissance externe pour de mauvaises raisons ?
La croissance externe n’est ni une finalité, ni une obligation. Dans certains secteurs, cette stratégie n’est tout simplement pas adaptée. Nous conseillons aux dirigeants d’aborder avec discernement les sujets liés au développement de leur entreprise. La croissance externe est l’une des cordes de leur arc stratégique, mais ce n’est pas la seule. En se posant les bonnes questions, on rationalise le sujet et on appréhende mieux les opportunités qui se présentent. En interne, cela demande aussi d’être prêt, tant au niveau organisationnel que financier. Le dirigeant doit aussi être en mesure de pouvoir dégager du temps dans son agenda pour suivre l’opération de près.
Qu’avez-vous à répondre aux dirigeants qui estiment que les banquiers d’affaires travaillent à la commission et peuvent donc manquer d’objectivité au moment d’évaluer des opportunités d’achat ?
S’il faut se méfier d’une cible, on le dit sans hésiter. Nous n’avons aucune envie de faire des opérations à tout prix. Dans notre modèle, la réputation est bien plus importante que la rémunération ponctuelle au succès. Notre bonne image sur le marché, qui nous permet d’attirer toujours plus de talents et de dossiers, nous l’avons bâtie en défendant les intérêts de nos clients et en faisant montre de probité. Généralement, nous refusons trois dossiers pour n’en accepter qu’un.
Certains dirigeants de PME affirment que les banquiers d’affaires coûtent trop cher. Est-ce une idée reçue ?
Chaque opération est unique, et nous proposons une tarification au cas par cas. Selon les demandes de nos clients, la complexité et la variété de nos travaux, les honoraires évoluent. Si un gros client habitué de ces opérations nous suggère une liste réduite de secteurs d’activité et de zones géographiques, notre travail d’identification de cibles nous prendra beaucoup moins de temps et les honoraires diminueront en conséquence. A l’inverse, si un client nous consulte pour une opération avec des idées très peu précises et que nous devons le guider pas à pas pendant des mois, le prix de la prestation sera supérieur. Sur les petites opérations, les honoraires des banques d’affaires sérieuses sur le marché gravitent autour des 5 % du montant total de l’opération, pour les grosses opérations, ce taux tombe grosso modo à 1 %.