Dans un tourbillon d’idées reçues, les fonds d’investissement, mal connus, sont encore parfois considérés comme des financiers aux intérêts de court-terme qui se mêlent de tout.
Des stéréotypes qui ont la peau dure
L’enquête de Bpifrance Le Lab en partenariat avec France Invest , consacrée à la croissance externe des PME, souligne une série de contradictions sur ces relations entre fonds d’investissement et chefs d’entreprise. Ainsi, seulement 12 % des 668 dirigeants interrogés déclarent avoir un fonds présent au capital de leur société. Lorsque, par ailleurs, ces chefs d’entreprise mènent l’acquisition d’une autre entité, ils ne sont que 10 % à financer cette transaction par une levée de fonds.
Pour autant, les dirigeants semblent valoriser les atouts des fonds d’investissement. 77 % d’entre eux associent l’entrée d’un fonds au capital de leur entreprise à un apport financier décisif pour soutenir la croissance de leur société ; 74 % y voient un partage du risque pour nourrir des projets plus ambitieux et 68 % l’accès à un réseau d’experts pour accompagner leur développement.
Malgré cela, certaines idées reçues persistent : 68 % de ces chefs d’entreprise associent l’entrée d’un fonds à des risques concernant leur autonomie décisionnelle, et 43 % à une menace sur leur maintien à la tête de leur société. D’autres statistiques montrent pourtant que ces stéréotypes relèvent davantage d’une méconnaissance du rôle des fonds d’investissement que d’une réalité.
Que vous ayez déjà levé des capitaux auprès de fonds d'investissement ou non, à quoi associeriez-vous l'entrée d'un fonds au capital de votre entreprise ? (total des 668 répondants - en % de répondants)
Croissance externe : que change la présence d’un fonds au capital d’une PME ?
Les dirigeants de PME ont-ils alors raison de tenir leurs distances avec les fonds ? Les désagréments imaginés autour d’un tel partenariat sont-ils supérieurs aux bénéfices rééls ? Pour tenter d’y voir plus clair, nous avons comparé les réponses des dirigeants de PME ayant accueilli un fonds à leur capital, et celles des autres qui s’y refusent. Interrogés sur leur perception globale des fonds, les dirigeants qui travaillent avec eux adhèrent davantage aux traits positifs et souscrivent moins aux expressions négatives. A l’inverse, les dirigeants n’étant pas au contact d’un fonds surpondèrent les désavantages et minimisent les apports d’un tel acteur. Cela renforce l’idée selon laquelle les fonds et les dirigeants de PME gagneraient à mieux se connaître pour tirer un trait sur bon nombre d’idées reçues.
La présence d’un fonds maximise les chances de succès d’une acquisition d’entreprise
Au-delà de cette image positive qu’ils accordent aux fonds d’investissement, les dirigeants de PME ayant un fonds à leur capital présentent aussi d’autres spécificités importantes. Ils présentent ainsi un taux de satisfaction bien plus importants que les autres à la suite d’une opération de croissance externe. 40 % des acquéreurs accompagnés d’un fonds d’investissement ont estimé que leurs acquisitions d’entreprise avaient obtenu des résultats supérieurs à leurs objectifs. Les dirigeants sans fonds à leur capital ne sont que 17 % dans le même cas. Et à l’inverse, les dirigeants déçus des résultats de leur transaction sont sur-représentés parmi les chefs d’entreprise n’ayant pas de fonds à leur capital.
Des opérations de croissance externe plus nombreuses
D’où les dirigeants avec un fonds à leurs côtés tirent-ils cette satisfaction supérieure ? Comment la présence d’un fonds peut-elle tirer vers le haut les résultats d’une acquisition ? Pour le savoir, poursuivons ce travail de comparaison entre nos populations de chefs d’entreprise.
Ainsi, les dirigeants accompagnés d’un fonds se montrent plus offensifs en matière de croissance externe et sont plus nombreux que les autres à réaliser des acquisitions d’entreprise (44 % vs 33 %). Ils comptent aussi dans leurs rangs davantage de « serials acquéreurs », ces chefs d’entreprise qui n’ont pas hésité à racheter plusieurs sociétés au cours des cinq dernières années. Ce volontarisme affirmé multiplie les opportunités d’acquisition, renforce l’effet d’apprentissage et améliore in fine les chances de succès.
Des cibles en meilleure santé et mieux valorisées
Des statistiques de cette enquête, il est possible de déduire que la présence d’un fonds libère les ambitions des dirigeants de PME qui peuvent lancer des opérations de plus grande envergure, ou que la présence d’un fonds dépend de l’ambition initiale des dirigeants d’entreprises dans lesquels ils investissent. Les dirigeants sans fonds à leur capital sont 60 % à réaliser des opérations ayant un montant inférieur à un million d’euros. A l’inverse, 71 % des dirigeants accompagnés d’un fonds ont achevé une acquisition de plus d’un million d’euros. Les capitaux et l’expertise apportés par les fonds permettent aux dirigeants de PME de cibler des entreprises en meilleure santé et pouvant générer plus de valeur.
Un accès favorisé à l’expertise des banquiers d’affaires
Les dirigeants accompagnés de fonds d’investissement s’entourent aussi davantage d’experts de la croissance externe. Si le triptyque « avocat/expert-comptable/partenaire bancaire » est sollicité de manière comparable par tous les chefs d’entreprise acquéreurs, les banquiers d’affaires sont beaucoup plus sollicités en présence d’un fonds au capital (54 % versus 31 %). Les dirigeants de PME ayant un fonds à leurs côtés bénéficient là encore des capitaux supplémentaires apportés par leur partenaire pour payer les importantes commissions de ces experts, mais aussi de leur réseau pour faire appel aux services des prestataires les plus pertinents. L’intervention de ces spécialistes rompus à l’exercice et aux équipes facilement mobilisables, fait figure de facteur clé de succès : ils font gagner du temps aux dirigeants, leur permettent d’éviter de nombreux pièges et désamorcent pour eux une quantité importante de conflits potentiels avec les autres partis.
Dans le cadre d’opérations de croissance externe, l’influence positive des fonds d’investissement se fait donc sentir à travers des indicateurs variés. De quoi balayer les appréhensions des dirigeants de PME au moment de faire appel à leurs services ? Rien n’est moins sûr. Et pourtant, les fonds d’investissement et les dirigeants de PME partagent in fine de nombreux intérêts et objectifs qui s’entrecroisent : ces deux types d’acteurs gagnent à voir prospérer la société pour laquelle ils s’engagent. Autrement dit, la réussite de la PME mène au succès des fonds, et le succès des fonds ne s’imagine pas sans la réussite des PME.
Contrairement aux organismes prêteurs, les fonds d’investissement sont présents au quotidien, aux côtés de leur participation. Leur engagement aura des retombées concrètes en matière de gouvernance, de stratégie et de croissance. La crainte des dirigeants quant à leur perte d’autonomie décisionnelle, voire à leur maintien à la tête de la société qu’il dirige ne se matérialise que dans des situations spécifiques, et rares. Les fonds sont le plus souvent minoritaires, et ne peuvent prendre de décisions unilatérales déconnectées des intérêts de la société et des autres actionnaires. C’est lorsqu’il y a désaccord avec le dirigeant sur la stratégie qu’une majorité peut naître entre les co-actionnaires (nouveaux entrants et/ou historiques) et faire en sorte de se séparer du dirigeant. Quant au droit de blocage dans les SAS (cas le plus fréquent), il concerne uniquement une liste d’opérations déterminées à l’entrée du ou des fonds d’investissement dans le pacte d’actionnaires. Il peut concerner par exemple des décisions de délocalisation des activités, pour lesquelles un fonds peut avoir un droit de blocage même avec 5% du capital.
Aussi, rappelons-le, un fonds doit être un partenaire de confiance, choisi pour sa stratégie d’investissement et l’équipe de gestion qui la mène, dans le but d’accélérer la croissance de l’entreprise.