Ce double phénomène est particulièrement visible dans les régions aux parts historiquement élevées (Afrique de l’Ouest, du Nord et Union Européenne (UE)). La stabilisation des parts de marché pré-crise sanitaire était un premier signe encourageant malgré la crise du Covid-19 qui a de nouveau bousculé les positions et affecté les secteurs de spécialisation de l’économie française (automobile, aéronautique).
L’international reste aujourd’hui un relai indispensable pour les entreprises françaises. Dans une économie mondiale en proie à l’inflation et à la montée des taux, le potentiel de croissance de certaines zones géographiques continue de résister.
Les parts de marché à l’export baissent, hors aéronautique
Les parts de marché mondiales à l’export des biens français atteignaient 2,4 % en 2022.
Elles sont les plus élevées en UE mais également en Afrique centrale, de l’Ouest et au Maghreb (cf carte).
Elles ont été divisées par deux en 20 ans (proche de 5 % au début des années 2000), avec néanmoins une phase de stabilisation autour de 3 % sur la période 2012-2019. La baisse a été particulièrement forte là où les parts de marché étaient initialement élevées, ce qui est le cas de l’Afrique (cf graphique).
Des secteurs à l’export très diverses mais en perte de vitesse
Les exportations françaises demeurent assez diversifiées, aucune des six grandes catégories de biens (agriculture / agroalimentaire, chimie / pharmacie, machines / équipements industriels, machines électriques / électronique, automobile, aéronautique / spatial) ne dépassent 25 % du total des exportations. Ces secteurs ont vu leurs parts de marché particulièrement s’éroder ces dernières années : l’automobile (3,4 % de parts de marché en 2021, -3,5 pts depuis 2002), les produits chimiques/pharmaceutiques (4 %, -2,8 pts), qui représentent par ailleurs près d’un quart des exportations de biens français, et l’agriculture et l’agroalimentaire (4,2 %, -2,7 pts).
L’aéronautique et spatial constitue l’exception française
Les parts de marché à l’export ont augmenté de 1,7 pt pour atteindre 19,1 % en 2021. Toutefois, leur poids dans les exportations est insuffisant (8 % en 2021) pour compenser totalement le recul des parts sur les autres produits. L’aéronautique pèse 17 % du total des exportations vers le Moyen-Orient (moyenne 2017-2021) et 18 % en Amérique Latine (pour une part de marché sur ce segment de 22,6 % en 2021), derrière l’Asie (24,4 %, mais seulement 0,4 % des exportations vers cette zone).
La stratégie d’investissement à l’étranger est plus marquée en France que chez ses principaux concurrents européens
Quelle compétitivité à l’export pour la France face aux anciens et nouveaux acteurs mondiaux ?
Si la baisse des parts de marché n’est pas propre à la France et reflète l’insertion grandissante d’acteurs émergents dans l’économie mondiale au cours des dernières décennies, elle pose néanmoins des questions de compétitivité puisque la France a également perdu des parts de marché face à des concurrents européens, comme l’Espagne, le Portugal (en Afrique, en Amérique, en Asie et au MENA) ou les Pays-Bas (en Afrique, dans les pays d’Europe de l’Est et Orientale). Dans l’ensemble des régions du monde, hors Communauté des Etats Indépendants, les pertes de parts de marché françaises ont été plus prononcées et/ou rapides que pour les autres pays de l’UE (cf. graphique ci-dessous) et ce pour presque toutes les catégories de biens (hors aéronautique / spatial).
En contrepartie, une accélération des modes d’internationalisation reposant davantage sur les investissements à l’étranger des entreprises françaises a été observée.
Le stock d’investissements directs à l’étranger (IDE) français est passé de 9,4 % du PIB en 1990 à 44,3 % en 2010 (52 % du PIB en 2021). Le secteur manufacturier représente 62 % du stock d’IDE. La balance des revenus issus des IDE a vu son excédent fortement augmenter (x3 en moyenne par rapport aux années 1990), compensant partiellement la dégradation de la balance des biens et services (cf. graphique).
Le reflet de cette dynamique d’investissement se lit aussi via le nombre de filières d’entreprises françaises à l’étranger, passé de 37 493 unités en 2011 à 49 850 en 2020. La hausse a été particulièrement marquée au MENA (+72 % sur la période) et en Afrique subsaharienne (+65 %), là où les pertes de part de marché à l’export ont précisément fortement baissé.
La crise sanitaire a fragilisé la stabilisation des parts de marché
Un mouvement de stabilisation des parts de marché à l’export a eu lieu à partir de 2012 (même si non homogène à toutes les géographies, cf. graphique précédent). La baisse tendancielle du nombre d’opérateurs français à l’export au cours des années 2000 s’est d’ailleurs retournée à peu près à ce moment-là. Selon les données des douanes, après un pic de 131,8 milliers d’entreprises à l’export en 2000, ce chiffre est descendu à 116,1 milliers en 2011, pour repartir ensuite à la hausse et atteindre un pic historique de 145,7 milliers en 2022. Parmi ces entreprises exportatrices, 79 milliers, soit 51 % du total, opéraient dans l’UE pour y réaliser 69 % des recettes à l’export.
La crise covid a eu un impact important sur des secteurs de spécialisation des exportations françaises (automobile, aéronautique) qui n’ont pas encore retrouvé leur niveau de production d’avant crise (cf. Flash Eco n°10, 2022). La France a perdu 1,3 pt de parts de marché en valeur à l’export en zone euro entre 2019 et 2022, une baisse toutefois moindre que celle observée pour l’Allemagne (−2,3 pt) souffrant elle aussi sur ses domaines de spécialisation.
Une économie mondiale en ralentissement mais des potentiels importants et résilients dans le monde émergent
Une certaine normalisation des parts de marché à l’export pourrait être attendue dans les prochains trimestres, à la faveur du rebond de l’activité dans les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile. Néanmoins, le défi de l’international reste indispensable pour les entreprises françaises, dans un contexte de balance courante dégradée.
Si l’industrie française et européenne doit affronter aujourd’hui des vents contraires (prix de l’énergie, Inflation Reduction Act américain…), la réduction sur les dernières années des écarts de coûts salariaux entre français et européens, de même que la réduction des impôts de production sont autant de soutiens à un appareil industriel qui a su jusqu’à présent préserver ses marges malgré la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières depuis un an et demi. La France peut s’appuyer sur des secteurs à l’export où elle dispose toujours de parts de marché relativement élevées (produits chimiques et pharmaceutiques, agriculture et agroalimentaire par exemples) ou en pleine expansion (aéronautique).
Il est urgent d’aller adresser le potentiel des marchés internationaux, qui est toujours bien présent. Même si l’économie mondiale est actuellement pénalisée par le retour de l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, certaines zones continuent de présenter des perspectives de croissance solides (cf. Flash Eco n°14). Au niveau géographique, en se basant sur les prévisions du FMI à horizon 2028, plusieurs zones semblent présenter des potentiels au vu des prévisions de hausse du PIB par habitant (cf. graphique ci-dessus) ou encore du volume prévisionnel d’importations. L’Asie émergente et les PECO apparaissent alors comme les deux zones avec le plus fort potentiel à l’export, suivies du MENA et de l’Afrique subsaharienne.
1 Déficit record de 163,6 Mds € en 2022, -6,1 % du PIB et de -2,8 % du PIB hors énergie et matériel militaire.
2 Le reste, pour un poids de 27%, regroupant notamment les produits minerais et métaux (7,9 %), les instruments d’optique (3,1 %), les combustibles (2,8 %), le bois et le papier (2,2 %) ou encore les vêtements et accessoires (2,2 %).
3 Forte de son adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce en 2001, la Chine a fortement augmenté son empreinte dans les échanges mondiaux, passant de la 6e place au classement des parts de marché au niveau global en 2002 à la 2e place en 2021 (+7,4 pts), derrière les Etats-Unis. Durant cette période, l’Inde (10e, +13 places, +1,6 pt), la Pologne (19e, +5 places, +0,7 pt) ou le VietNam (20e, +22 places, +1,2 pt) se sont distingués par des gains de part de marché. Parmi les pays industrialisés, c’est aussi le cas de la Corée du Sud (9e, +5 places, +0,4 pt) même si cela est resté l’exception.
4 Croissance moyenne des importations entre 2024 et 2028 : Asie (+5,3 %), PECO (+5 %), Afrique Subsaharienne (+3, 9 %) et MENA (+3,5 %).