Témoignage de Clotilde Bouchet
“L’environnement africain peu bancarisé a été favorable à l’émergence de modèles alternatifs”
Clotilde Bouchet, Alternative Finance Consultant - Senior Advisor Grant Thornton Executive
“L’Afrique a su transformer un certain nombre de handicaps en opportunités d’innovations en matière de paiements. De faibles revenus par tête, un réseau bancaire peu dense (32 agences pour un million d’habitants en Afrique vs 450 agences en Europe) et des infrastructures de paiements traditionnelles, absentes ou dépassées, contribuent à maintenir des coûts de traitement élevés.
Cet environnement peu bancarisé a été favorable à l’émergence de modèles alternatifs. Tout d’abord, l’utilisation de commerces pour assurer le transfert d’argent physique et les paiements sous divers formats permet d’assurer un maillage de proximité et de diminuer les coûts de distribution. Plus récemment, l’utilisation du mobile pour assurer les paiements et transferts d’argent a fortement progressé : 16 % de la population sub-saharienne réalise aujourd’hui des règlements par téléphone mobile.
Des acteurs non régulés ont émergé tel que M-Pesa, qui compte 14 millions d’utilisateurs et dont la solution de paiement mobile est acceptée par plus de 85 000 commerçants au Kenya(1). Chez Wari, groupe sénégalais, une exploitation astucieuse des commerces pour les échanges cash à cash a fait le succès de l’entreprise : avec 90 000 points de vente dans 34 pays, Wari se positionne comme un concurrent de Moneygram ou de Western Union.
Ces modèles ont inspiré des start-up françaises tant dans le mode de distribution des produits (comme Compte Nickel par exemple) que dans les paiements sur mobile. Sur ce dernier créneau, les initiatives se bousculent en provenance des Fintech mais aussi des GAFA, de la grande distribution ou des télécoms.
Pour autant, les initiatives dans le secteur des paiements mobiles peinent à décoller en Europe : en France 8 % des détenteurs de téléphone portable l’ont déjà utilisé pour réaliser un paiement en boutique(2) contre plus de la moitié au Kenya, leader en la matière(3). L’environnement européen est sensiblement plus régulé, et surtout dispose d’infrastructures de paiements déjà existantes que les acteurs bancaires installés exploitent et protègent, autant de barrières à l’entrée pour de nouveaux acteurs. La législation évolue, mais lentement, et ouvre le monopole bancaire à de nouveaux entrants.
Mais au-delà de l’ouverture du monopole bancaire, l’Europe devra vaincre les réticences psychologiques des utilisateurs quant à la sécurité et à l’absence de perception d‘un bénéfice réel lié à l’utilisation de ces nouveaux moyens de paiement(2).”
(1) «World Payments report 2015», Capgemini & The Royal Bank of Scotland, 2015
(2) «Usages Mobiles 2015 - A Game of Phones», Deloitte, novembre 2015
(3) «The Mobile Economy Sub-Saharan Africa», GSMA Intelligence, 2015
Clotilde Bouchet, Alternative Finance Consultant - Senior Advisor Grant Thornton Executive
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