Le recours au télétravail, largement minoritaire avant la crise sanitaire chez les TPE-PME, a été nettement renforcé en raison de la mise en place des mesures de restriction aux déplacements durant la crise sanitaire. Fin 2021, 46 % des dirigeants ayant répondu à la 74e enquête Bpifrance Le Lab auprès des PME déclaraient autoriser le télétravail contre 27 % seulement avant le début de la crise. Les TPE-PME des Services, dont les tâches sont jugées plus compatibles avec ce mode d’organisation du travail et qui le pratiquaient déjà plus fréquemment, ont plus fortement renforcé le recours au télétravail que les autres. Si la taille de l’entreprise n’influait pas sur la probabilité d’usage du dispositif avant crise, les plus grandes PME ont bien plus accru leur recours au télétravail durant la crise.
La majorité des dirigeants ayant renforcé la pratique du télétravail pendant la crise envisagent de pérenniser le surplus de jours de télétravail autorisés après crise (28 % totalement et 46 % partiellement). Les TPE-PME franciliennes, des Services ou du Commerce ont une probabilité plus forte que les autres d’augmenter de manière durable le nombre de jours télétravaillés post crise sanitaire.
59 % des dirigeants jugent leurs salariés au moins aussi productifs quand ils travaillent à domicile que sur site. 26 % estiment en revanche qu’en télétravail, leurs salariés sont moins productifs. Le caractère précipité et contraint du télétravail durant la pandémie peut toutefois biaiser l’estimation de son impact sur la productivité. À plus long terme, si l’incertitude prédomine quant à l’effet sur la productivité de ce mode d’organisation, par ailleurs moins utilisé en France que chez ses principaux voisins européens, de récentes études tendent à s’orienter vers un impact positif.
Une nette minorité de TPE-PME françaises autorisaient le télétravail avant la crise sanitaire
27 % des dirigeants de TPE-PME autorisaient leurs salariés à télétravailler avant la crise
Le télétravail était relativement peu répandu au sein des TPE-PME françaises avant le début de la crise sanitaire. 73 % des dirigeants n’autorisaient aucun jour de télétravail par semaine à leurs salariés. Les autres accordaient en moyenne 2,8 jours par semaine, avec de fortes disparités : 37 % n’autorisaient qu’un jour par semaine quand 30 % permettaient à leurs salariés de télétravailler à 100 %.
Avant crise, la pratique du télétravail était plus courante en Île-de-France et dans le secteur des Services
Les TPE-PME franciliennes et celles des Services étaient plus nombreuses en proportion à autoriser le télétravail avant la crise (respectivement 36 % et 40 % contre 25 % hors Île-de-France et 19 % hors Services, cf. graphique 1). Plus spécifiquement, une TPE-PME francilienne avait 1,4 fois plus de chances de recourir au télétravail avant crise qu’une TPE-PME d’une autre région, indépendamment du secteur ou de la taille de l’entreprise, de même que de son caractère exportateur ou innovant (cf. encadré méthodologique). Toutes choses égales par ailleurs, la probabilité de recours d’une TPE-PME au télétravail avant crise était en outre 2,5 fois plus élevée dans le secteur des Services que dans l’Industrie. Les TPE-PME innovantes et les TPE-PME exportatrices étaient également plus à même de proposer du télétravail à leurs salariés (respectivement 1,8 fois plus que les non-innovantes et 1,5 fois plus que les non-exportatrices). La taille n’influençait en revanche pas le fait de recourir ou non au télétravail avant crise.
Graphique 1 : Nombre moyen de jours de télétravail autorisés avant crise selon le secteur d’activité. Source : Bpifrance Le Lab, 74ème enquête auprès des PME
Les mesures de restriction sanitaires ont entrainé une hausse du recours au télétravail
Les TPE-PME ont davantage recouru au télétravail pendant la crise sanitaire
46 % des dirigeants autorisaient ou toléraient le télétravail fin 2021, une proportion en hausse de 19 points par rapport à la situation avant crise (cf. graphique 2). Ceux qui avaient déjà recours au télétravail avant la crise ont en partie renforcé le dispositif au sein de leur entreprise (fin 2021, 38 % d’entre eux avaient augmenté le nombre de jours moyens accordés par rapport à la situation avant crise). Au total, les dirigeants autorisaient en moyenne 1,3 jour de télétravail par semaine, contre 0,75 jour avant crise.
Graphique 2 : Nombre de jours de télétravail par semaine autorisés avant crise et fin 2021. Source : Bpifrance Le Lab, 74ème enquête auprès des PME
La pratique du télétravail a été particulièrement accrue dans les Services, où les tâches sont davantage compatibles avec ce mode de travail
Une TPE-PME des Services avait près de 5 fois plus de chance de proposer du télétravail à ses salariés fin 2021 qu’une entreprise de l’Industrie, toutes choses égales par ailleurs. Cette probabilité est bien supérieure à celle que l’on observait dans la situation d’avant crise, traduisant une nette accentuation du recours au télétravail dans les Services. Ceci peut notamment s’expliquer par une incompatibilité plus forte des tâches des salariés de l’Industrie. En effet, 98 % des dirigeants de TPE-PME industrielles disent ne pas avoir eu recours au télétravail pour l’ensemble de leurs salariés pendant le confinement contre 65 % des dirigeants de TPE-PME opérant dans les Services. Parmi eux, 92 % le justifient par une incompatibilité des tâches de leurs salariés avec le télétravail (68 % dans les Services).
Fin 2021, la probabilité de recours au télétravail augmente avec la taille de l’entreprise
Si, avant crise, la taille n’influençait pas le fait d’autoriser le télétravail (cf. supra), ce n’est plus le cas fin 2021. À cette date, plus l’entreprise comprend de salariés, plus la probabilité de recourir au télétravail est élevée. Par rapport à une TPE (moins de 10 salariés), une PME de 10 à 49 salariés a environ 2 fois plus de chance de pratiquer le télétravail. Le rapport passe à 5 quand il s’agit d’une PME de 50 à 99 salariés et même à 7 pour celles de plus de 100 salariés.
Le recours accru au télétravail devrait perdurer post-crise sanitaire, en particulier en Ile-de-France
La majorité des dirigeants compte pérenniser l’augmentation du recours au télétravail après la crise
La crise a durablement modifié l’organisation du travail puisque 74 % des dirigeants ayant accru le recours au télétravail pendant la crise comptent pérenniser au moins partiellement le surplus de jours de télétravail autorisés après crise (cf. graphique 3). Seuls 28 % envisagent toutefois une pérennisation totale, quand 46 % souhaitent durablement autoriser davantage de jours de télétravail par semaine qu’avant crise mais moins que fin 2021, période encore troublée par la crise sanitaire. 26 % d’entre eux comptent à l’inverse revenir entièrement sur les jours de télétravail supplémentaires accordés pendant la crise.
Graphique 3 : Volonté du dirigeant de pérenniser l’augmentation du recours au télétravail. Source : Bpifrance Le Lab, 74ème enquête auprès des PME
Les TPE-PME franciliennes sont plus nombreuses en proportion à souhaiter accroître la pratique du télétravail post-crise sanitaire
Elles ont 2,3 fois plus de chance de pérenniser au moins partiellement le surplus de jours de télétravail autorisés qu’une TPE-PME située en province, toutes choses égales par ailleurs. Ceci peut notamment s’expliquer par un temps de trajet domicile-travail moyen plus important en Île-de-France (32 minutes en 2019 contre 23 minutes au niveau national selon le baromètre Alphabet France / Ifop).
Les TPE-PME des Services et du Commerce sont plus enclines à davantage autoriser le télétravail que celles de l’Industrie
Elles ont environ 2 fois plus de chance de pérenniser au moins partiellement le surplus de jours de télétravail autorisés qu’une TPE-PME industrielle. L’effet taille de l’entreprise n’est en revanche pas significatif.
La majorité des dirigeants jugent leurs salariés au moins aussi productifs en télétravail que sur site
52 % des dirigeants estiment que leurs salariés sont autant productifs en télétravail que sur site et 7 % estiment même qu’ils sont plus productifs
À l’inverse, 26 % des dirigeants les jugent moins productifs en télétravail que sur site. 15 % des dirigeants ne savent pas évaluer la productivité comparée de leur salarié selon le mode d’organisation choisi (cf. graphique 4).
Graphique 4 : Productivité des salariés en télétravail vs sur site, selon les dirigeants. Source : Bpifrance Le Lab, 74ème enquête auprès des PME
Les dirigeants ayant déjà expérimenté le télétravail avant la crise sont plus à même de juger leurs salariés plus productifs en travail à domicile que sur site
Le recours au télétravail avant crise multiplie par près de 5 la probabilité du dirigeant de juger ses salariés au moins aussi productifs en télétravail que sur site. Indépendamment du recours avant crise, les dirigeants de TPE-PME des Services, d’Île-de-France, innovantes, exportatrices ou d’au moins 20 salariés ont une propension plus forte à juger leurs salariés au moins aussi productifs à domicile que sur site.
Les dirigeants qui jugent leurs salariés moins productifs en télétravail sont logiquement moins enclins à accroître le recours au dispositif
Les dirigeants jugeant leurs salariés globalement moins productifs à domicile que sur site ont environ 12 fois moins de chance que les autres de vouloir augmenter le recours au dispositif, toutes choses égales par ailleurs.
Le caractère précipité et contraint du télétravail durant la crise sanitaire rend difficile l’estimation de son impact sur la productivité
Comme rappelé dans le 3e rapport du Conseil national de productivité, durant la pandémie, le travail à domicile s’est avéré une source de résilience économique, constituant la seule alternative à l’arrêt de l’activité pour un grand nombre d’entreprises. Cependant, il a souvent été mis en place dans des conditions défavorables (non-concertation, manque de préparation, de moyens techniques etc.), ce qui a pu en limiter l’éventuel impact positif sur la productivité (Bergeaud et al., 2021). De manière générale, l’impact du télétravail sur la productivité reste incertain à ce stade, avec des effets à la fois jugés positifs (suppression des trajets domicile-travail, baisse du besoin de capital foncier, accélération du recours aux technologies digitales) mais d’autres négatifs (en particulier des flux informationnels réduits, pénalisant notamment la qualité de la formation). De récentes études semblent toutefois indiquer qu’à terme, les effets positifs pourraient l’emporter (cf. notamment Bergeaud et al., 2021 et Barrero et al., 2021).
La pratique du télétravail est moins répandue en France que dans les pays voisins
Selon une étude Ifop pour la Fondation Jean Jaurès, 66 % des Français n’ont jamais télétravaillé au cours de l’année 2021, une proportion bien plus élevée que dans les autres grandes économies européennes, en particulier l’Allemagne (39 %). L’écart entre le nombre de jours télétravaillés souhaité et effectif est en parallèle plus élevé en France qu’en Allemagne (respectivement 0,9 et 0,4, cf. graphique 5), en Italie ou au Royaume-Uni mais moins qu’en Espagne.
Graphique 5 : Comparaison européenne du recours au télétravail. Source : Fondation Jean Jaurès
Encadré méthodologique
Des dirigeants de TPE-PME ont été interrogés entre le 15 et le 29 novembre 2021 dans le cadre de la 74e enquête semestrielle de conjoncture sur leur recours au télétravail. Les TPE-PME sont considérées ici comme des entreprises des secteurs marchands non agricoles de 1 à 249 salariés, réalisant moins de 50 M€ de chiffre d’affaires. Les réponses de 2 913 dirigeants ont été analysées. Les résultats ont été redressés par taille d’effectif et secteur d’activité afin de représenter au mieux la population des TPE-PME françaises.
Les résultats descriptifs ont été complétés par des régressions logistiques afin de dresser un profil type de TPE-PME autorisant le télétravail et de déterminer les facteurs pouvant influencer le recours au télétravail et la perception des dirigeants sur la productivité de leurs salariés télétravailleurs, toutes choses égales par ailleurs.
Par exemple, la probabilité de recourir au télétravail avant crise a été modélisée en fonction du secteur d’activité, de l’effectif salarié, de la localisation, du caractère innovant ou exportateur de l’entreprise, à l’aide d’un modèle logit.