Au cours de la réalisation du guide pratique Se doter d’une raison d’être, devenir une société à mission, nous avons rencontré Anne Mollet, directrice générale de la Communauté des entreprises à mission, pour nous apporter un éclaircissement sur la qualité de société à mission, notion encore source d'incertitudes pour de nombreux dirigeants d'entreprise.
"La mission est synonyme d’une redéfinition du leadership du dirigeant. Elle responsabilise et engage toute l’équipe de direction"
Anne Mollet
Directrice générale de la Communauté des entreprises à mission
Comment définir une mission précise sans entraver la flexibilité stratégique de l’entreprise ?
Une mission doit présenter plusieurs caractéristiques. D’abord, elle doit être singulière. Est-ce que les formulations, les thématiques et les engagements choisis permettent de reconnaître l’ADN de l’entreprise ? Est-ce que la mission pourrait s’appliquer à mon concurrent ? Il faut mener un travail de fond pour identifier les spécificités de l’entreprise sur son marché, et vis-à-vis de la société au sens large. Ensuite, il est nécessaire d’identifier un lien clair entre la mission énoncée et l’activité de l’entreprise. La mission doit être intimement reliée au modèle économique de l’entreprise, et cohérente avec les produits et services proposés. La mission doit aussi permettre de mettre en tension l’entreprise sur un chemin de progrès. Elle arbore un pouvoir transformant qui doit mobiliser toutes les parties prenantes. C’est ici une boussole, une étoile polaire qui donne la direction à suivre pour le collectif. Et enfin, la mission doit avoir une portée sociétale positive et compréhensible par tous.
Certaines entreprises évoquent des missions par nature et ne voient pas l’intérêt d’une transformation formelle en société à mission. Que pourriez-vous leur répondre ?
Tant mieux si la vocation de l’entreprise réduit l’écart avec les finalités positives à incarner. Toutefois, le cheminement vers davantage de progrès reste le même. La mission est synonyme de transformations et constitue un engagement vers un progrès sociétal. Si certains dirigeants sont à l’aise à l’idée de penser « mon entreprise est bien telle qu’elle est, je ne bougerai pas », ils s’éloignent de l’esprit de la mission qui vise à instaurer des améliorations constantes. Cette dynamique de transformation commence dès l’amont de l’inscription statutaire de sa mission et cette démarche est crédibilisée par le double contrôle du comité de mission et de l’OTI.
Quelles sont alors les spécificités des entreprises à mission ?
Les entreprises à mission perçoivent dans leur démarche l’occasion de questionner leur projet, de partager leurs réflexions avec leurs collaborateurs, partenaires, clients et de les impliquer dans la formulation et le suivi de leur mission. Toute la démarche en amont apporte déjà des éléments significatifs en permettant à l’entreprise et ses parties prenantes d’y voir clair sur ses « combats singuliers », sur le champ d’impact qui conduira à une transformation profonde de l’entreprise et de la Société. Les dirigeants concernés confient que ce travail les a poussés à se dépasser. Les analyses introspectives permettent ainsi de se remémorer pourquoi l’entreprise a été créée, mais aussi d’identifier la direction qu’elle devrait prendre demain, la manière dont on veut y parvenir et le type de relations à instaurer avec les parties prenantes sur le chemin…
Une fois les statuts de société à mission déposés, qu’est-ce que cela va changer pour les dirigeants d’entreprise ?
La mission a le potentiel de transformer la gouvernance de l’entreprise, son mode de management et son cœur d’activité. Le comité de mission assure ainsi la gouvernance de la mission. La création de cet organe permet d’apporter un souffle et un regard nouveau, notamment grâce à l’intégration de parties prenantes externes. Quatre sociétés à mission sur cinq ont intégré dans leur comité des chercheurs, des actionnaires, des clients, des représentants de territoires, des fournisseurs… La transformation de l’entreprise est évidente lorsqu’elle doit s’efforcer de rendre compte de ses actions à cette instance. A cela, il faut ajouter l’organisme tiers indépendant, comme organe de contrôle externe.
Se doter statutairement d’une mission, c’est sortir de l’incantatoire et de l’intention pour inscrire la vision de l’entreprise et les engagements qui en découlent dans le concret et le quotidien de l’activité. Cela relève d’une obligation de résultat choisie et assumée par l’entreprise sur ses champs d’impact prioritaires.
Quels sont les gains potentiels pour les entreprises qui choisissent de se transformer en société à mission ?
Les dirigeants qui se lancent sur ce chemin peuvent réconcilier la performance financière de l’entreprise avec leur performance environnementale et sociale. Cela devient un gage de pérennité sur le moyen/long-terme, ce qui n’a pas échappé aux investisseurs, de plus en plus nombreux à considérer cette composante dans leurs choix de portefeuille. La mission permet aussi de trouver de nouvelles opportunités de développement et leviers d’innovation. En se posant des questions fondamentales sur les activités de leur entreprise, les dirigeants identifient de nouvelles priorités clés. Pour faire en sorte que l’entreprise réponde au mieux à sa mission, certains travaux pourront être abandonnés, d’autres voies devront être imaginées et de nouveaux produits seront conçus. La mission oriente alors la stratégie et les agissements du collectif. Enfin, le dirigeant sera en mesure de mieux aligner ses produits avec le positionnement global de l’entreprise vis-à-vis de la société. Dans les années à venir, les attentes des clients en matière de cohérence générale vont progresser. Par exemple, aujourd’hui, acheter du Bio dans un hypermarché classique ne revient pas à se fournir chez Biocoop !
Et quels avantages pour les dirigeants en tant que meneurs d’équipe ?
La mission est synonyme d’une redéfinition du leadership du dirigeant. Elle responsabilise et engage toute l’équipe de direction. Ainsi, le dirigeant a moins le droit à l’erreur car il est davantage observé. Mais cela peut être extrêmement positif s’il fait preuve de cohérence et de sincérité. D’autre part, la mission est un levier d’engagement des collaborateurs. Cela est vrai pour les candidats externes et les équipes déjà en place puisque la mission peut être à la fois un facteur d’attractivité et de fidélisation. Le dirigeant de la société Palo IT m’a expliqué qu’il rencontrait de nombreuses difficultés pour recruter des développeurs mais que l’adoption de la qualité de société à mission avait changé la donne pour lui.
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