Bpifrance Le Lab a rencontré 29 industriels portant des projets de création ou d’extension de site industriel. Alors que la réindustrialisation entre dans une zone de turbulences, ces dirigeants montrent la voie. De leur expérience, nous avons identifié des bonnes pratiques, pour lever les traditionnels freins : de la complexité administrative à l’acceptation de l’usine par les riverains…
1. Sécuriser un terrain le plus tôt possible
La recherche du foncier où implanter son futur site peut se révéler difficile. Les espaces disponibles sont rares et parfois en concurrence avec d’autres usages, tandis que les friches sont mal recensées et parfois juridiquement complexes à exploiter.
Les entreprises qui sont parvenues à s’implanter efficacement ont souvent sécurisé leur foncier en amont, par des acquisitions de terrain au fil du temps ou en s’adossant à un acteur public ou privé (aménageur, promoteur immobilier). S’ils sont plus rares, les sites déjà équipés, raccordés et administrativement prêts permettent de gagner un temps décisif.
« Nous allons étendre notre site grâce à du foncier que nous avons déjà acquis il y a de ça plus que 15 ans. »
- PME, Fabricant de matériaux de construction
2. Anticiper les temps longs de l’administratif
La multiplication de demandes administratives et l’empilement de normes – en particulier pour les sites classés ICPE ou Seveso – introduit un décalage entre la temporalité des industriels et celle des autorisations. Cette complexité administrative impacte directement l’économie du projet, et nécessite d’être prise en compte dès l’étape de planification.
Pour éviter toute paralysie du projet, les industriels interrogés recommandent d’anticiper les démarches réglementaires avec l’appui d’équipes ou de prestataires dédiés, d’identifier les interlocuteurs pertinents et de piloter les procédures en parallèle du montage du projet.
« Nous avons parallélisé certains processus du projet au lieu de les faire séquentiellement. »
- Start-up industrielle, transformation de déchets
3. Hybrider les sources de financement permet de pallier le manque de capital
La recherche de financement pour les projets innovants et les start-ups peut s’avérer complexe, en raison du nombre limité d’acteurs privés prêts à engager du capital sur des premiers projets industriels. Pour les PME et ETI, l’enjeu est tout autre : financer complètement l’immobilier par la dette est parfois peu soutenable.
En l’absence de financeur « évident », le recours à un montage hybrides se relève utile. Les porteurs de projets peuvent combiner des fonds propres à des dettes bancaires, des fonds publics, des financements d’investisseurs privés ou même d’industriels partenaires. Les acteurs institutionnels comme la Banque des Territoires ou Bpifrance peuvent également aider à combler les besoins de financements.
« Nous avons réussi à déployer 50 M€ sur notre projet d’implantation grâce à une combinaison d’injection de capital par l’actionnaire, de dette bancaire et de trésorerie interne. »
- ETI, métallurgie
4. Organiser le dialogue permet d’éviter les oppositions de riverains
L’acceptabilité locale d’un projet industriel résulte d’une véritable stratégie territoriale. Sur les 29 industriels interrogés, aucun n’a connu d’opposition de riverains, d’élus ou d’associations locales. Les clés de cette acceptabilité locale ? L’instauration d’un dialogue anticipé avec les parties prenantes pour répondre aux inquiétudes et instaurer un climat de confiance.
Le rôle du dirigeant est aussi de faire savoir l’impact positif de son projet industriel sur l’emploi local, le territoire voire l’environnement, pour susciter l’adhésion. Organisations de réunions publiques, tables rondes, visites du site en construction… un éventail d’actions efficaces nous ont été partagées par les industriels rencontrés.
« Je suis passé par une médiatrice qui m’a permis de rencontrer des associations, et des représentants des habitants locaux et de potentiels détracteurs du projet. Grâce à ce dialogue, nous avons un vrai soutien de tous les politiques et des riverains ! »
- PME, fabrication d’équipements en bois
5. S’entourer d’une équipe dédiée restreinte pour éviter la surcharge du dirigeant
La conduite d’un projet d’extension ou d’ouverture de site mobilise une charge de pilotage conséquente, qui peut vite dépasser la charge d’un dirigeant seul. Les dirigeants qui parviennent à absorber cette complexité sont ceux qui ont su structurer une gouvernance adaptée, avec une équipe projet restreinte, mais dédiée.
Plusieurs solutions existent. Déléguer les activités opérationnelles au reste de ses équipes, impliquer une équipe de direction élargie, ou encore s’entourer d’expertises et de prestataires externes (notamment pour les fonctions juridiques, foncières et environnementales, pour faire gagner des mois, voire des années, au projet.
« Je délègue l’opérationnel, pour ne pas polluer ma réflexion sur la vision à long terme et sur ce projet de grande envergure. »
- PME, construction
6. Penser le nouveau site industriel comme un moyen d’attirer les talents
Opérateurs, techniciens de maintenance, ingénieurs, conducteurs de machines, soudeurs, … les métiers industriels sont une denrée rare. La construction d’un nouveau site industriel est l’opportunité de renforcer son attractivité auprès des talents.
Les industriels qui arrivent à recruter ou garder les talents investissent dans la visibilité du site (sur de grands axes routiers ou sur les réseaux sociaux), son confort (en adaptant les lieux de travail aux troubles musculosquelettiques) et les lieux de vie adjacents ; dans des machines permettant d’automatiser le travail ; et forment eux-mêmes les talents sur place, grâce au soutien de fédérations professionnelles locales (UIMM, France Travail).
« Depuis notre nouveau bâtiment […] positionné sur le long d’une autoroute, nous n’avons plus de problèmes de recrutement. Nous recevions 1 CV par mois, nous en recevons aujourd’hui entre 10 et 70. »
- PME, construction
En résumé, de nombreux leviers existent pour surmonter les obstacles menant à un projet d’implantation réussi. Les industriels interrogés ont démontré leur résilience face aux défis et prouvent que la réindustrialisation persiste, malgré les vents contraires, grâce à leur ambition et leur vision long-terme.
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